L'éminence fort bien logé

Quelle sottise! Quelle idiotie! Quelle imbécillité! Et encore! Ces mots n'étaient rien à côté de ce que pouvait véritablement éprouvé Son Éminence.
Il se voyait pour la première fois, comme un simple humain, comme un disciple pêcheur. Rien de plus, rien de moins.
Il n'était plus maître... il avait succombé à la tentation. Il n'était... rien! Rien qu'un simple homme. Il en était réduit à cela. À rien.
Et cette idée le révulsait.
Lui qui avait été si glorieux! Un peuple à ses pieds! Un roy qui grignotait dans la paume de sa main!
Il se souvenait de cette époque si grandiose où...

Ah! Qu'importait!

Il était toujours Évêque, non? Il était toujours sous l'aile protectrice de Rome! Et quelle preuve avait-il contre lui?

Des pas résonnèrent sur le seuil de la cellule améliorée de Nicolas Florin...

Puis le bruit métallique d'une clé rouillée dans une serrure tout aussi abîmée par le temps et l'usure.

Enfin la porte s'ouvrit lentement, dans un grincement atroce, apportant un peu plus de lumière au locataire des lieux...

Alors, un prêtre s'avança, à visage couvert, avant de s'immobiliser devant l'ancien évêque de Warminster.

L'inconnu attendit que la lourde porte se referme avant d'abaisser sa capuche, et d'ouvrir la bouche:

Mon frère!

Mon ami, Nicolas...

C'était Olrick Macbeth, l'ami de toujours de Florin, son allié le plus fidèle et son exécutant le plus zélé ( l'inquisiteur l'avait plus que démontré en Gaurres )...

Il ne pouvait croire ce qu'il voyait, Florin cloîtré tel un coupe jarret, et surtout l'accepter : il ferait l'impossible pour l'extirper d'ici et même le sauver d'un sort qui semblait pourtant bien funeste...

Mon frère!

Je désespérais de pouvoir venir vous visitez!

J'ai appris avec stupeur les accusations que l'on porte à votre endroit...

Je ne comprends pas! Pourquoi?

Dans le regard sombre d'Olrick, la joie qui brillait à l'instant dans ses yeux d'épervier, avait fait place à la plus grande des incrédulités...

- Ah! Vous voici enfin! Vous tardiez! , ragea l'évêque sans cesser de faire les cents pas. Mais pourquoi? Pourquoi? Nous ne le savons point, mon adoré frère! Nous sommes inculpé de tentative de meurtre sur la Reine Morgause!
Oh! Moi! Un meurtrier?

Son éminence se retourna brièvement vers son interlocuteur, l'air blessé. Était-il sincère? Ou bien jouait-il la comédie?

- M'imaginez-vous ainsi?

Perturbé, il entreprit de poursuivre sa folle ronde d'est en ouest.

- Traîtrise! Il aspire à nous perdre... Mais ils n'y parviendront pas! Que voulez-vous? demanda t'il en faisant à n ouveau volte-face.

Olrick esquissa un mince sourire de satisfaction, tout en suivant des yeux son mentor qui déambulait de long en large...

Non, Nicolas Florin n'était pas encore abattu et entendait résister jusqu'à son dernier souffle!

Et il ne livrerait pas seul ce terrible combat.

MacBeth demeurait à ses côtés, quoi qu'il puisse advenir!

Mon frère...
Je vous sais incapable de souiller les saints commandements!

"Que voulez-vous?"

Florin était remonté et hors de lui?
Parfait, car il lui en faudrait de la pugnacité et de la témérité pour ce sortir du piège ou il s'était lui même fourvoyé!

Je suis venu vous confirmez que même le roy ne peut tout se permettre, sur ses terres!

Le saint siège lui enjoint de vous faire comparaître devant un tribunal ecclésiastique...

Il fut contraint d'accepter, et lui seul, cet aréopage, pourra décider si ou non, vous...Pouvez être livré à la Justice du roy.

Olrick se tut... Mal à l'aise.
La "Justice" du roy...

Florin, le premier, savait pertinemment, ce que cela voulait signifier, et pour cause!

Les cachots.

Torture, sang, souffrance...

L'anti chambre de la mort.

Car pour avoir hanté si souvent ces endroits privés de toute humanité...Et pour avoir orchestré fort longtemps la politique de répression du tyran...

Florin savait, plus que quiconque, qu'en ces lieux même un muet pouvait parler...Et tout avouer : ses propres fautes et...Davantage!

Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaah!!!!!!

Et justement...

Un cri quasi bestial retentit soudain et se répercuta un long moment en écho dans les longs et humides couloirs du donjon.

Noon!!! noon!! de grâce!!! noooooooonnnnn!!!!!!

Il s'agissait des gardes et serviteurs de l'évêque, que l'on tourmentait de mille manières, tout à côté...

On pouvait, de la cellule, entendre les coups de fouets appliqués aux malheureux, le bruit atroce des membres que l'on brisait ou mutilait...

Les râles et supplications des détenus, leurs dénégations, leurs aveux, leurs moindres paroles.

Les odeurs de sang, de fumée ( les tisons! ), de la chair humaine que l'on consume, à petit feux... ( sous la plante des pieds pieds! mouwahahahha!! )

Pitié!!!!!! noooooooooooooooooonnnn!!!!!!!!!!

Ces gens parleraient, ne serait ce que pour sauver leurs misérables existences, pour faire cesser leurs terribles souffrances, par peur de la mort...

Comme les gardes de feu Ophélia avaient parlés, avant de se taire, à jamais...

Pourquoi les hommes de l'évêque dévoyé accepteraient ils d'être entraînés dans la chute abyssale de leur ancien maître?

Et que pensait celui ci, en entendant ses "fidèles" gémirent et périrent?

Périrent ou avouer...Sous les coups des bourreaux, des anciens adjoints de Florin lui même!

Que ressentait il?

noon! noon ! nooon!! *gémissement proche du sanglot* noooooooooooooooooooooooooooooooooooooon!

....

Que ressentait-il? Que peut ressentir un homme lorsqu'il voit sa vie lui échapper, ne tenir qu'à un fil que d'autres avaient entre leurs mains?

-La justice du roy? Tempêta l'ecclésiastique en reprenant sa folle ronde. La justice? Je n'ai à répondre de mes actes que devant Dieu et ses serviteurs. Ce... Pantin n'écoutera que son cœur dévoyé!

Trahi. Il se sentait trahi par tous, lui qui avait tant fait pour extraire de cette terre la lèpre tenace qui s'y était enracinée. N'avait-il pas apporté la parole Sainte en ces pays arriérés? N'avait-il œuvré pour que la chrétienté triomphe ici?

Il se sentait réduit à un simple gibier, il sentait sa destinée hors de son contrôle. Il ne dirigeait plus rien, à présent. Même ses pensées étaient détournées de leur but par sa colère et sa peur. Même ses pas étaient réduits à cette marche effrénée entre les murs de sa geôle obscure, envahie de la puanteur collante du sang et de la mort.
Florin l'avait si souvent respirée, cette odeur lourde et poisseuse qui collait au corps et aux vêtements, qui restait, toujours, incrustée dans ses narines et qui ne le quittait jamais vraiment.

Et les cris résonnaient toujours, inlassables, sans jamais cesser. Il les avait tant entendus... Si souvent, pour le bien de son Dieu! Son Dieu qui l'abandonnait à présent, à présent que tous lui tournaient le dos et qu'il n'espérait plus rien...

Il baissa les yeux sur ses mains, qui avaient tant prié, tant de fois signé l'acte qui condamnait à la mort un pécheur de plus... Pour purifier cette terre et qu'y brille la lumière. Pour se venger, à l'infini, des torts qu'on lui causa jadis. Pour éteindre toute lueur d'espoir dans le regard des infidèles qui souillaient le monde de leur simple présence. Ses doigts se refermèrent sur du vide. C'était tout ce qu'il pouvait faire.

-Je ne me laisserai pas juger comme un manant! S'écria-il soudain, cessant sa ronde pour se coller aux barreaux de sa geôle. J'ai trop fait pour ce parangon de roi! Il ne peut pas me laisser aux mains de ces pécheurs qui souillent mon nom et celui de notre Église.

Macbeth comprenait et partageait la colère et même la rancoeur de son mentor et ami envers Mordred...

Mais il ne devait pas pour autant se laisser aveugler par ses ressentiments, selon Olrick, légitimes par ailleurs.

C'est vrai, les formes devaient être respectées, mais il s'agissait, également d'avoir conscience que la papauté ne pouvait se permettre de rompre avec l'Orcanie, le royaume le plus chrétien de l'île! Mené par un souverain évangélisateur qui plus est!
Et possible ( probable? ) successeur crédible du haut roy de Bretagne...

En religion, comme en politique, l'amitié n'existait point et le Pape pourrait être enclin a accepter le jugement de Florin, si certaines garanties lui était assuré...Des brebis galeuses, il y en avait dans tout les milieux, mais encore fallait il ne pas être découvert, pratiquement la main sur la dague ou la fiole de poison!

Mordred souhaitait convaincre sa sainteté que Florin était un criminel et le saint père ne pouvait se passer du soutien de l'orcanien ( hj : je rappelle que les papes de l'époque ont une influence assez symbolique et que celui ci, de pape, est carrément sous l'influence du politique, voir pris en otage, lien à la fin du post )

L'inquisiteur devrait démontrer son innocence, devant un tribunal ou un autre...Pour Olrick, la tâche serait donc rude!

Mon frère...
Si les prélats présents à Warminster décident que vous ne pouvez comparaître devant la justice royale...
Vous serez jugé par nos pairs!
Gardez espoir!

Je me charge de votre défense, faites en sorte de me fournir tout éléments susceptibles de vous disculper...

Les faits à présent, ou l'acte d'accusation royal :

Le roy vous accuse, preuve à l'appui semble t-il, d'avoir souhaité "empoisonner" la reyne Morgause en assignant cette tâche au prince Emerick des Orcades!
Celui ci, soupirant notoire de l'ex reyne Ophélia, vous désigne comme étant le commanditaire de cet acte, bien réel, qui avorta...
Et le pourvoyeur du poison qui devait faire perdre la raison à la victime.
Une bourse, aux armes de Rome, fournis par sir Emerick le démontrerait...Une infime partie du contenu ayant été conservée.

Que répondez vous à cela?

La question, directe, était posée sans aucune animosité...
Macbeth pensait et souhaitait croire son ami innocent!
Et espérait prouver que la fautive ne pouvait être, en vérité, que la douce et très trompeuse :p dame Ophélia...
Maintes fois adultère, pécheresse et hérétique, coupable de haute trahison et d'avoir ainsi entachée l'honneur de toute l'Orcanie et...salie son titre, sa belle fonction, et son propre honneur.

hj : Lien sur le pape saint Symmaque

http://fr.wikipedia.org/wiki/Symmaque_(pape)

Un frisson infime agita l'ancien évêque. Un frisson glacé, celui de l'homme qui voit venir la fin, inéluctable... Qu'il avait été sot de faire confiance à cet homme!

-C'est un complot! Lança-il avec colère. Cette sorcière... Cette paîenne hérétique d'Ophélia était une servante notoire des femmes d'Avalon, elle a influencé Emerick afin de me faire accuser, alors que je ne cherchais qu'à éloigner dame Morgause de son fils! Elle a tellement d'emprise sur le roi... Alors qu'elle-même n'était pas exempte de péchés! Infidèle, oui! Cette femme qui a provoqué la mort du roi Loth!

Florin s'arrêta sur place, passa une main dans ses cheveux, et sembla se calmer un peu. A pas lents, il revint vers Mac Beth, et s'appuya contre les barreaux.

-Je n'ai jamais voulu empoisonner la reine, dit-il d'une voix plus posée. Qui sait ce que cette sorcière d'Ophélia a pu promettre au prince Emerick pour qu'il se retourne contre moi... Elle savait qu'il l'aimait, et a très bien pu utiliser cela à sa guise, en le forçant à prononcer des accusations mensongères contre moi. Diabolique femelle... Elle savait que j'étais une menace pour elle, ainsi que la reine Morgause. Son plan n'a fort heureusement qu'à moitié fonctionné, puisque la reine-mère a pu échapper à sa manoeuvre. Mais moi, quelles chances ai-je de m'en tirer?

Un accent désespéré pointait dans sa voix. Et les cris résonnaient encore, dans sa tête, et l'odeur écoeurante du sang et des chairs brûlées couvraient tout, il ne pouvait plus s'en détacher. La mort lui souriait dans chaque ombre, sur chaque visage, il l'entendait venir dans chaque murmure.

Sa fin venait, chaque seconde un peu plus proche, et il n'y pouvait plus rien, à part hurler, se défendre, mais à quoi bon? Tout son travail était réduit à néant.

L'angle de contre attaque était trouvé : Ophélia! que l'on pourrait, sans risque d'être démenti, couvrir de tout les péchés et de toutes les vilenies...
Elle et ses imbéciles de soupirants : Emerick, avant tout, mais également le sir Hector, qui lui aussi, ne pouvait se défendre, désormais (malheur aux défunts!).

Cependant...Une information chagrinait Macbeth : l'aveu de son ami, qui reconnaissait avoir souhaité éloigner la reyne mère de son fils et roy...Attitude aussi déplacée que fort risquée.

Difficile dans ces conditions de faire croire que l'évêque n'aurait pas tiré profit des ennuis de sa rivale.

Emerick, évidemment, mais également le sir de Winter!
Que l'on désigna comme l'amant de l'ex reyne et hérétique.
Il est même probable que cette tentative d'empoisonnement ait pu donner lieu...à une sorte de "compétition" entre les deux scélérats!
Aussi, la bourse que brandit désormais le prince, aurait fort bien pu être la propriété du sir Hector, l'ancien capitaine de votre garde...
*voilà un choix qui ne fut pas très judicieux, d'ailleurs!*
Winter aux cachots, son complice et rival se serait servit de cette fameuse bourse.

Tout s'éclairait, maintenant, selon la propre logique du frère Olrick, et selon lui les membres du tribunal ne pourraient que reconnaître et avaliser ses conclusions.

Ophélia souhaitait vous compromettre, tout en étant, elle même, débarrassée de la reyne Morgause!
La folle n'était point si sotte, mais on ne s'improvise pas intrigante du jour au lendemain...

Pauvre petite créature écervelée! que pensait elle pouvoir accomplir? l'orgueil des Hommes, et singulièrement des femmes, est vraiment sans limite...
Mais ne les pousse qu'à leur propre destruction.

Cependant, Florin lui même, n'avait il pas été trop imprudent, parfois :

On dit que le prince Emerick est venu vous rencontrez, à votre bureau de la chapelle, des témoignages le démontrent...
Que vous a t-il dit? vous a t-il fait part de ses intentions?

Macbeth ne voulait décidément pas croire en la culpabilité de l'ancien évêque.
Mais si celui ci avait eut vent, d'une manière ou d'une autre des agissements de l'orcadien...
Pourquoi s'être tus?
Voilà une question qui commençait à angoisser le pourtant très indéfectible allié du prélat déchut.

Florin resta silencieux un long moment, pendant que son ami parlait et récapitulait à peu près ce que l'ancien évêque voulait qu'il croie. Mac Beth étant visiblement persuadé de son innocence, il y avait au moins un espoir.... Mince, mais bel et bien présent, de ceux qu'il se plaisait à piétiner chez ses victimes.

Son visage laissa à peine transparaître un léger tressaillement lorsque Mac Beth mentionna son entrevue avec Emerick.

-Il cherchait simplement des réponses, en vérité. Jamais il n'a mentionné ses sinistres projets, et il désirait simplement que nous parlions d'Ophélia. Il nourrissait de grandes inquiétudes à son sujet, puis m'a parlé de la reine mère, de son hostilité envers elle; peut être était-ce un test, peut être désirait-il savoir, à mots couverts, si je pouvais me joindre à leur conspiration. Je pense que c'est à ce moment là qu'il a décidé de me perdre, moi aussi, en me faisant accuser de cette odieuse machination.

Florin soupira, tendu, la colère couvant toujours en lui. Il appuya son noble front sur le froid métal de sa prison, et laissa échapper un soupir.

-Que je suis las de tout ceci... Le Seigneur est bien cruel envers moi qui ai tant oeuvré pour Sa gloire. Si c'est une épreuve qu'Il m'envoie, alors je dois y faire face, et ne pas céder devant les mensonges.

Tout les éléments se mettaient, peu à peu, en place, et l'affaire s'avérait plus sombre et complexe qu'elle ne semblait l'être, à première vue...

MacBeth interrogea de nouveau son ami :

Mais que lui avez vous répondu, précisément?
Peut être l'avez vous..."encouragé"sans le vouloir...
Et puis pourquoi ne pas avoir révélé tout ceci au roy?

Le frère Olrick s'interrompit brusquement, et soupira bruyamment, tout en levant son regard préoccupé vers l'infâme plafond de la cellule...

Enfin...
Le passé est le passé!
Maintenant...il convient, en effet, de nous battre, afin de surmonter, avec succès, cette épreuve du très haut!

Le prélat soupira de nouveau...Il lui faudrait être plus que convaincant, lorsque l'accusé comparaîtrait devant ses pairs, ses juges.
Mais ce n'était pas tout, pas encore...
MacBeth hésita, mais il devait évoquer cet incident :

Les épreuves du très haut...
Jalonnent notre existence, à tous.
Y compris sous la forme...de la tentation, de la chair notamment...

Le défenseur de Florin n'arrivait, décidément pas, à se décider!
Il se retourna, en proie à une soudaine nervosité, et lâcha, à regret :

Avez vous...été séduit par la sorcière Ophélia?
Je veux dire...ensorcelé, envoûté...
Le jour ou...vous avez cédé à ses charmes maléfiques.

Pour Olrick, il ne pouvait en être autrement, l'hérétique avait provoquée la chose...
Mais l'inquisiteur fut bien faible, en vérité, et surtout imprudent.
D'avoir manqué ainsi à ses devoirs...et surtout, surtout, d'avoir reconnu les faits, par bravade, devant le tyran Mordred!

Mais également...d'avoir osé insulter le fils de Morgause...

Maudite histoire, sale affaire...
Procès délicat.
Très incertain...

Liens utiles :

https://orcanie.forumsrpg.com/bureau-de-son-eminence-f66/cloitration-de-la-dame-d-orcanie-t914.htm

https://orcanie.forumsrpg.com/bureau-du-roi-mordred-f57/entretien-entre-le-tyran-et-son-eminence-sd--t902.htm#top

Et après relecture...
Faut bien l'dire on est bien dans la mouise là! :p

-Pourquoi n'en ai-je pas parlé au roi? Si je devais entretenir sir Mordred de tout ce que l'on me raconte de mauvais au sujet de lui ou de la famille royale, je passerai mon temps à lui rapporter le moindre fait et geste! J'étais occupé par d'autres problèmes, voyez-vous.

Florin avait répondu du tac au tac, avec mauvaise humeur. La situation lui échappait dès qu'il pensait la tenir sous contrôle; exactement comme s'il tentait de retenir de l'eau avec ses doigts.

Tout se corsa lorsque Mac Beth mentionna le délicat sujet d'Ophélia. L'évêque dut faire appel à tout ce qui lui restait de maîtrise de lui-même pour ne laisser transparaître aucun trouble, aucune culpabilité sur son visage.
Dieu, seigneur dieu, le péché avait tracé dans sa chair et dans son âme de noirs et sanglants sillons; cette faute, il ne pourrait s'en défaire et l'enfer semblait s'ouvrir sous ses pieds à la seule évocation.

Dieu, oui, il avait cédé, et le plaisir douloureux que cela lui avait apporté résonnait encore à son cœur troublé, faisait de nouveau battre à ses oreilles le sang vif et brûlant qui avait coulé dans ses veines ce soir là. Il s'était senti vivant, pleinement vivant, habité d'un feu dévorant qui lui causait une souffrance égale à la jouissance qu'il avait ressentie.

Dieu, oui, c'était bon. Bon, d'être vivant, d'être un homme au seuil de sa vie, d'être empli de cette énergie qui l'avait poussé si loin, si haut, des ors de Rome à la puanteur des cachots, dans l'excès de toutes choses.

Dieu, oui, il avait toujours recherché l'absolu, chercher à apaiser cette soif, remplir ce gouffre immense qui s'était creusé en lui. La passion brûlante qu'il avait mise en toutes choses de sa vie avait à peine suffit à outrepasser ses spectres et ses peurs, ses peines et ses tourments.

Il s'était repenti. Il avait payé de son sang le prix de sa faute, mais s'était rapidement aperçu, avec horreur et frisson, qu'il ne regrettait pas.

La jouissance brûlante et douloureuse de ces moments était une chose sur laquelle, pour rien au monde, il n'aurait voulu revenir.

Après un long moment de silence, Florin releva les yeux qu'il avait baissés, perdu dans ses pensées. Ce fut les poings serrés, la voix tendue, qu'il répondit enfin.

-C'est une femme, frère Olrick. Une diabolique femelle, païenne, sorcière, qui n'avait d'autre but que me corrompre. Oui, j'ai cédé, oui, j'ai commis une faute irréparable et ma chair souffre encore d'en avoir payé le prix.

Il soupira profondément, et sembla se calmer.

-Oui, j'ai également eut un échange plus que mouvementé avec sir Mordred. Mais j'ai une fois de plus péché, par colère et par peur, car je sentais qu'il n'était plus à l'écoute de mes conseils et qu'il doutait de moi. Je ne voulais que le bien de l'Orcanie, et imaginez quelle fut ma crainte lorsqu'il prit mes conseils à la légère! Comprenez-moi, frère; j'ai commis des erreurs, des erreurs extrêmement graves, je le reconnais. Mais ce n'était que pour le bien du royaume et le bien de la chrétienté, car je voulais agir du mieux que je le pouvais. Je fus faible, et cela cause à présent ma perte.

"J'étais occupé par d'autres problèmes, voyez-vous."

Le bref emportement de son ami et frère ne surpris ni ne vexa MacBeth...
Celui ci se contenta d'acquiescer, complaisamment...son sombre regard rivé vers le sol poussiéreux et glacé de ces lieux sordide.
Il s'agissait de faire fi du passé pour mieux affronter l'avenir!

Passé qu'il faudra revisiter sous un jour favorable, pour l'accusé, afin que cet avenir, plus qu'incertain, redevienne, enfin, plus...clément.

Ophélia! encore et toujours elle!
Le jour maudit des noces entre Mordred et la sorcière était, décidément, le plus néfaste de l'histoire de ce royaume...

Tant pis pour elle : après sa mort physique, Florin et son allié allaient procéder à son trépas moral, à sa déchéance posthume.
Bientôt, le nom même de la pécheresse hérétique serait le symbole honni de la dépravation suprême!

La sorcière et ses sbires sont les seuls responsables!
Tout démontre qu'elle chercha à vous perdre, vous discréditer, vous compromettre.
Et vous désigner comme le meurtrier de la reyne Morgause...
C'est une évidence! que nous pourrons démontrer aisément!
Malgré le témoignage douteux de ce scélérat d'Emerik!
Et sa fameuse "preuve" dérisoire.

Olrick se rapprocha de son mentor et posa une main apaisante sur son épaule...
Il lui adressa, alors, un sourire franc et massif, qui démontrait sa détermination.

Courage mon frère!
Gardez foi et espoir.
Ayez confiance en nos confrères!
Et en moi, votre ami le plus fidèle et ce, à jamais.

Cela valait ce que cela...valait, mais au moins, l'ex inquisiteur ne se trouvait pas totalement seul face à l'adversité, voir...l'inéluctable(?).

C'était donc la seule et unique échappatoire : mettre cette tentative d'éviction maladroite sur le compte d'Ophélia et ce crétin de Winter...
Et discréditer le prince Emerick.
Ce nigaud, ce traître, ce suppôt du Diable!
Qu'il trépasse, atrocement, et aille pourrir aux enfers!!
L'évêque irait cracher sur son misérable cadavre.

Mais avant il fallait se tirer de ce mauvais pas!
Non point en espérant un acquittement et surtout pas un très hypothétique retour en grâce...
Mais bien en faisant tout le nécessaire pour sauver sa tête et...
Se désembourber du marécage orcanien, décidément si fétide.
Et enfin quitter ce royaume maudit, l'île même de Bretagne.
Car Florin le savait parfaitement, même en exil et relégué dans un cloître isolé, le tyran n'aurait de cesse de le faire traquer et d'en finir avec lui!

Il irait donc à Rome et se mettrait directement sous la protection du très saint père...il le supplierait à genoux de lui pardonner ses possibles fautes et le servirait comme jamais, jusqu'à son ultime souffle de vie!

Mais avant, oui avant, il s'agissait de faire face et de se sortir indemne de ce traquenard...
Devant cette cour qui allait sceller son destin : effrayante et "exaltante"épreuve, tout à la fois!

Florin s'extirpa de ses fiévreuses pensées pour considérer, avec gratitude, son frère et ami, le seul, le dernier...

Alors que notre Seigneur tout puissant me tienne en sa sainte garde!
Et guide nos confrères sur la voie de la vérité *très léger malaise* et de la vrai Justice...
Merci, mon ami.

Il il acheva sa déclaration d'une accolade, toute fraternelle...

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