Les appartements d'une peste royalement en colère

Dès que la jeune princesse se fut enfui des appartements de la reine, des gardes reçurent l'ordre de la rattraper - ce qu'ils firent sans délai. Sur ordre de la gouvernante d'Orcanie, ils l'enfermèrent dans sa chambre.




Margot, de retour d'Avalon, dîna avec les suivantes de la souveraine. Elle y apprit, entre les paroles soufflées à basse voix et les oeillades de reproches, qu'Ophélia aurait levé la main sur la petite Gwenaëlle, alors que celles-ci venaient de se réconcilier. Elle avait proféré d'immondes révélations, absurdes et sans queue ni tête.



La prêtresse d'Avalon avait accourut auprès de la peste royale, les fins tissus de sa robe d'été voltigeant avec force dans son sillage.
Un regard furieux suffit aux gardes pour recconaître la cousine de leur dirigeant et, n'ayant reçut aucun ordre contre le fait de reçevoir des visites, laissèrent libre passage à Margot.


Gwenaëlle était étendue sur son lit, prise de violentes secousses qui faisaient trembler son petit corps. Des cris de colère comme de chagrin lui échappait, tant elle méprisait désormais la reine et ne pouvait que l'exterriorisé, impuissante.

- Votre Majesté... dit-elle, en guise de salutation.

Elle était surprise de trouver la petite Pendragon dans cet état. Que lui avait donc fait Ophélia, cette fois? Qu'avait-elle dit faire ou dire pour trouver une enfant si forte défaite et en lambeaux?

La prêtresse s'approcha de la princesse et prit la chance de s'asseoir près d'elle, en murmurant des paroles de réconfort dans une langue qui lui était fort probablement étrangère.

- lóminyar oië ar ú-estelo. Dolomeï...

La langue des sorcières, la langue de la terre, aussi vieille que l'Atlantide... aussi vieille que le monde. Une langue morte, que seule les initiées employaient.

- Votre Altesse, pauvre enfant. Qu'a t'elle fait pour vous si rendre colérique?

Margot était étonnée par la férocité qui émanait de ces tristes paroles, débordante de fiel et de rancune.
La comtesse tut son désir de lui faire la moral sur ce qu'était véritablement l'amour. Mais à quoi cela aurait-il servit? Dans ce cas, la petite princesse ne pouvait entendre raison.

- Votre tante est malade, Votre Altesse... Ophélia à toujours été gravement atteinte par la maladie qui la ronge... La majorité du temps elle parvient à la maîtriser, parfois il arrive que celle-ci remporte le combat et lui fasse faire des choses qu'elle n'aurait jamais faites si ses sentiments ne l'avaient pas surpassés.

Lorsque son mal prend possession de son corps, elle perd toute maîtrise d'elle-même et se laisse guider par ses peurs et par ses impulsions.

Mais elle vous aime, princesse Gwenaëlle, elle vous adore plus qu'elle n'aime ses propres enfants.

Margot demeura assise près de la fille de Gauvain et discuta sur un ton apaisant. Elle alla jusqu'à poser sa main chaude et réconfortante sur l'épaule de l'enfant effrayée.

Lorsque nous étions petite, nous adorions jouer dans la prairie qui se trouvait près du château d'Aurey. S'était quelques années avant que je ne sois envoyé à Avalon...
... il y avait une large rivière qui passait près de là... et il y avait aussi un chêne... un immense chêne... Et les oiseaux adoraient y faire leurs nids.
Nous avions l'interdiction de s'en approcher, bien entendu. Mais Ophélia aimait le risque, presqu'autant que moi! Elle osait d'avantages lorsque j'étais à ses côtés... autrement, elle se laissait faire, par tout le monde.
Un jour, nous avons décidé de franchir les limites de l'interdit.
Ophélia est grimpée dans l'arbre pour aller y chercher des oeufs... Elle désirait bien faire, en rapporter quelques uns à la maison en disant qu'ils avaient été trouvés dans les hautes herbes... Nous aurions eu un petit plus pour le repas!
Mais elle s'est avançée sur une branche qui était trop fragile... et la branche s'est fendue. Ma cousine est tombée dans l'eau glacée de l'automne... et elle a sombré dans le fond.
Je me suis précipité dans la rivière pour la secourir, mais je ne savais guère nager... Nous avons été emporté par le courant... Mais nous étions toutes les deux. Nos deux corps enlacés se sont échoués sur une berge, loin au delà des terres de notre famille.
Lorsqu'un seigneur vint à notre secours, nous étions toujours enlacés, moi grelottante de froid, elle au seuil de la mort. Lorsqu'il nous sépara, je sentit une partie de moi me quitter... et je sais qu'Ophélia ressentit la même chose, parce qu'elle hurla malgré sa faiblesse...
Il nous emmenas en sa demeure et gracia votre tante de moult soins fort efficace. Tout au long de notre séjour chez ce bon, je demeurai auprès d'elle... pour lui apporter ma chaleur et mon énergie. J'étais persuadé que si je la quittais, elle ne survivrait pas.
Lorsqu'elle eut recouvert assez de force, nous fûmes retourné à nos parents... Et c'est à partir de ce moment qu'Ophélia changea...
... Bien sûr, nous retournâmes au bord de cette rivière. Mais c'était moi qui l'y avais contrainte... Elle avait peur, elle était effrayée...

Il était grand temps que la fille de Gauvain
prenne de la maturité! Pouvait-on mépriser quelqu'un jusqu'à la fin des
temps parce que celle-ci nous avait commis un tord?

- Cessez vos enfantillages!

Cette
enfant n'était décidément pas un cadeau... Peut-être était-ce pour cela
qu'Ophélia avait levé la main sur elle? Peut-être ne supportait-elle
plus son audace?

- Votre attitude est
déplacée... et indigne d'une princesse! Croyez-vous que votre père ou
votre mère seraient fiers de vous s'il vous voyait vous comporter comme
une enfant gâtée?
Vous devriez être reconnaissante envers votre
tante et votre oncle, et remercier chaque jour le ciel de vous avoir
remis entre leurs mains!

Une triste
aura émanait du corps de la petite Gwenaëlle. d'un noir de jais. Le
regret... la nostalgie: le pire ennemi de l'homme.
Elle regrettait son passé. Elle usait donc de l'arme terrible, qui pourrait facilement se retourner contre elle-même...

- Il est temps de grandir, maintenant!
Vous ne vous souciez que de vous-mêmes, telle une égoïste!

Vous voyez votre tante afligez, souffrante! Et la première chose que vous trouvez à faire est de la juger par cela!

Vous
êtes indigne des parents qui vous ont donnés la vie! Eussiez-vous été
une manante, une gueuse, que cela vous aurait mieux sied!

Il suffisait, maintenant!

Margot, dégoûtée par cette enfant si lâche, se dépêcha à aller à nouveau à sa rencontre. Elle poussa brusquement le lourd tissus qui séparait la salle de toilette de la petite peste égoïste du reste de sa chambre.
La prêtresse prit l'enfant par le bras et la força à revenir près d'elle.


- Calmez-vous, petite sotte! siffla t'elle, véritablement mécontente. Comment osez-vous me parler ainsi, moi qui suis venue en amie, pour vous apporter raison, conseil et réconfort! Comment osez-vous affronter une prêtresse d'Avalon en votre propre demeure? Ne craignez-vous pas les malédictions, pauvre écervellée? Comment pouvez-vous renier les titres qui vous reviennent de droits?

Savez-vous, Gwenaëlle Pendragon, ce que je pense de vous? Vous ne valez pas mieux que votre pauvre père, trop égoïste pour se saisir de la courrone qui lui revint de droit! Il préfère laisser son peuple souffrir sous les assauts de son tyran de frère, plutôt que de sacrifier sa vie pour le bien de centaines de gens!
Il préfère parader sous le nez de votre oncle, le Haut Roy de Bretagnes, plutôt que de demeurer invisible ici, loin de celui-ci! Il préfère une gloire éphémère au bonheur d'innocents!

Elle lâcha sa prise sur l'inconsciente demoiselle et lui tourna le dos.

- Tel père, telle fille!
Vous êtes demeuré trop longtemps sans véritable autorité!
Peut-être Dame Vivianne avait-elle raison! Le couvent ne pourrait vous être que bénéfique!
La reine n'a que faire d'une enfant qui ne puis lui être recconnaissante! Elle est éprouvée et n'a guère besoin d'un fardeau en plus!

Elle sort de la chambre, sans une parole de plus.
Les gardes se placèrent à nouveau devant la porte de la chambre de la petite et surveillèrent avec attention celle-ci, au cas où la petite lutine ne décide de fuir à nouveau.

Mais la reine ne vint point et la princesse dut demeurer seule dans sa chambre, éprouvée et désespérée. Il avait fallut menacé la royale personne de la future souveraine pour que la raison opère dans l'esprit de la jeune enfant. Était-ce pour cela que la nièce du roy comprenait désormais? Était-ce encore par égoïsme, par crainte de ne plus avoir ce qu'elle avait déjà en Orcanie, que la lumière s'était faite dans son esprit?

Une servante, qui généralement était au service du matin de la reine, entra dans les appartements de Gwenaëlle.
Elle plia ses genoux et inclina la tête vers l'orcanienne puis se releva et s'affaira à ranger la chambre de sa maîtresse. Quelques vêtements traînant ici et là, des meubles à épousseter, des dessins non terminés, des collages de fleurs sur de l'écorce de bois éparses et en morceaux à travers le sol de la pièce, ...
Elle ignora les pleurnichement de la fille de Gauvain, comme le lui avait indiqué la reine Ophélia. Celle-ci était terriblement éprouvé... et s'était allongé après s'être calmé. Elle avait longuement pleuré, avant de sombrer dans un profond sommeil agité.

Margot revint, affichant une attitude froide et distante. Elle ne se pliait pas au désir de l'enfant, mais à la demande d'une Altesse Royale. Il n'était pas en son droit de refuser l'audience qui lui était ordonné, car son rang était de beaucoup inférieur à celui de la princesse.

La lourde peau de loup qui barrait de part en part la porte de la chambre de la princesse fut écartée. La prêtresse d'Avalon pénétra dans la pièce. Elle s'était détachée de ses sentiments et s'était déconnecté de sa colère. Elle s'était emporté... mais ne le regrettait nullement. Gwenaëlle méritait une bonne correction. Malheureusement, il n'était pas en son droit de la lui donner...

Que pouvait bien lui vouloir cette sotte pimbèche? Cela également l'avait incité à la rejoindre aussitôt que la servante lui avait transmise le message...