une dernière histoire

La blanche colombe de Warminster ne tarda guère à faire rentrer ses quatre gamins. Le prince avait réclamé une historie de sa part, soit. Il l’avait troublé en l’appelant Maman. Blanche, elle-même n’osait pas se dire « Mère des enfants d’Ophélia ». Cependant, rien au monde ne l’empêchait de les aimer.

Doucement, elle aida les deux plus vieux à se départir de leurs vêtements. Puis elle finit par prendre son trésor dans ses bras et lui retira à son tour ses vêtements. Or la petit Mélissandre pleurnicha, signe fréquent de sa fatigue. Elle laissa le roi se départir de son manteau et prendre place avant de lui remettre une princesse fatiguée et qui ne tarderait pas à dormir. Elle se cala dans les bras de son père, serrant contre elle son doudou.

En parfaite épouse, Blanche amena une coupe de vin pour Mordred et un verre de lait bien chaud pour la princesse des fées. Une fois assise, le petit roi vint déposer sa tête sur les jambes de sa mère. Soupirant, elle passa sa main dans la chevelure blonde du garçonnet.
Tenir les yeux ouverts semblait très difficile, pour les enfants, mais il était tant, après un ultime sourire au roi, de raconter une dernière histoire bien méritée, pour un bon repos.

Mordred, tout aussi impatient que les enfants royaux...déposa un baiser dessus la petite tête de Mélissandre...avant de couver du regard le prince Arthur.

Tous attendaient désormais que la reyne prenne la parole et les enchante avec celle ci...ceci à l'aide d'une histoire de son cru.

Nous sommes tous...toutes ouïes.
Je crois.

Blanche allait devoir se montrer efficace...

Puisque Mélissandre faisait son petit pacha royal dans les bras de son père, les deux autres enfants se précipitèrent dans les bras de leur mère. Les deux se chamaillant, pour obtenir une meilleure place. Blanche s’adossa au mur et plaça les deux enfants sur ses genoux. Elle ne s’offusquerait pas d’endormir les enfants.

Il était une fois un grand pays du nom de Mmérie. Le roi qui le dirigeait, Atlas II, avait trois femmes, très belles. La première année de son règne se passa dans l'harmonie et la paix. Pourtant l'inquiétude commençait déjà, en sourdine, à ronger le coeur des jeunes épouses. Chacune, en même temps, portait en son sein un enfant. Un vrai miracle de royauté. Hélas! Chacune d'elles, maintenant, rêvait de mettre au monde l'héritier du trône.

- Mon enfant revêtira le manteau de royauté et fera de Mmérie le plus grand empire du monde, murmurait doucement la reine brunette, Reine Tara, à l'oreille de son époux.

- Je vois déjà en rêve mon fils porter la couronne et soulever le sceptre en signe de victoire, répétait inlassablement celle dont les cheveux blonds lui avaient mérité le nom de Reine Soleil.
- Sire, je sais que notre poupon sera le futur monarque et que vous lui accorderez le pouvoir car je suis votre favorite, déclarait la rousse, Reine Flavie, cette beauté du diable qui savait si bien séduire son roi.

Pauvre Atlas II ! Le ciel semblait lui être tombé sur la tête. Tous les jours, la jalousie des femmes grandissait et la défiance s'installait. Les peurs des trois femmes ombrageaient leur charme et leur élégance. Les belles manières semblaient un luxe du passé. Certaines mauvaises langues disaient que les reines étaient devenues de vraies chipies.

Le roi rassembla ses conseillers fidèles. L'un après l'autre, en se donnant beaucoup d'importance, offrait sa solution.

- Si une des femmes a un fils et que les deux autres accouchent de filles, c'est, sans conteste, le garçon qui deviendra notre futur roi.

- Non ! Sire, je crois que les filles ont autant de droits à la monarchie que les garçons. Les temps ont changé et il faut donner chance égale aux deux sexes.

- Simplement, donnons au premier-né le titre de futur héritier ou de future héritière. L'aîné, garçon ou fille, l'emporte, voilà tout.
Le roi, las d'écouter tous ces propos, hochait la tête de gauche à droite et de droite à gauche. Il savait bien que pas une de ces solutions ne pourrait satisfaire ses trois belles femmes. Soudain, il eut l'idée d'aller consulter son père, le vieux roi Atlas 1er. Même si le vieillard semblait maintenant épuisé et vaincu, à cause de son âge, il avait conservé un jugement remarquable. De plus, il serait certainement très heureux d'apprendre qu'il deviendrait trois fois grand-père tout à la fois.

Tel que prévu, Atlas 1er, futur grand-père, fit couler le meilleur vin afin de célébrer la bonne nouvelle. Il y avait longtemps qu'il n'avait pas fêté ainsi, mais apprendre qu'il aurait une
descendance nombreuse le rendait ivre de joie. Pris de vin, il arriva néanmoins à écouter les inquiétudes de son fils. Il lui offrit son conseil.

- Retourne chez toi et dis à tes épouses que tu choisiras le futur roi en jouant le jeu du hasard. Si la chance sourit à leur progéniture, eh bien! ce sera grâce à sa bonne étoile. Le destin couronnera celui ou celle que les dieux préfèrent.

Atlas II connaissait bien ce jeu du hasard. Il fallait le concours du fou du roi. Le fou se plaçait au sommet de la grande tour et il lançait dix rubans de différentes couleurs dans l'air. Un seul des rubans était de couleur rouge. La personne qui recevait le ruban rouge sur la tête devenait la personne élue à la tâche. Dans ce cas-ci, le ruban rouge déterminerait lequel des enfants porterait la responsabilité du royaume. Le vieux roi Atlas II ajouta :

- Tu feras peur à tes femmes en leur disant que les deux autres nourrissons devront mourir afin d'éliminer toute rancoeur de l'âme du pays.

En voyant l'horreur sur le visage de son fils, Atlas s'empressa de le rassurer.

- Ne crains rien mon fils. Une mère est prête à tout pour protéger son nouveau-né. Tu verras que tes femmes s'uniront pour ramener la bonne entente qui régnait jadis entre elles. Avant de te laisser appliquer ce jeu du hasard, elles résoudront leur problème.

Cette solution était effrayante mais, parfois, les vieux rois guerriers ont de bien drôles d'idées. Évidemment, la rumeur précéda Atlas II. Au palais, les femmes furent surprises d'entendre ce que leur beau-père proposait comme solution à leur tendre époux. Elles se réunirent afin de prévenir les risques que pourraient encourir leurs bébés. Entre la sécurité des enfants et la gloire, c'est bien la sécurité qu'elles choisissaient. Le désir de lutter pour un titre s'effaça par magie.

- Nous devons cesser de nous quereller, disait la Reine-Soleil qui en avait déjà assez de toutes les disputes et les cris.

- Trois têtes qui règnent, c'est possible. C'est même trois fois mieux.

C'était vraiment nouveau d'entendre la rousse, Reine Flavie, parler avec autant de sagesse.

- Nous allaiterons nos enfants du lait doux de notre harmonie, chantait la brune Reine Tara.

À peine huit jours plus tard, Atlas II arriva chez lui. Il sourit de voir ses trois femmes assises en cercle, chacune d'elles en train de broder la layette de leur bébé des mots suivants :

MON ENFANT-ROI,
Roi de mon coeur !
Elles comprenaient enfin que le pays de Mmérie était assez grand pour trois couronnes et qu'à Mmérie, c'était le coeur avant tout qui régnait et qui régnerait pour l’éternité.

Elle se doutait d’avoir manqué quelques petits détails. Sa tête regorgeait d’histoires pour les enfants. Elle les avait toutes apprise fort jeune.

Mordred, qui avait écouté cette étrange histoire avec un plaisir non dissimulé, ne savait pourtant que penser de la possible morale de cette fable.

Il s'interrogea donc tout haut, ceci afin de réfléchir avec la reyne de ce sujet :

J'imagine que ce conte a pour but d'exalter les vertus féminines...Qui sauraient si bien prévaloir sur les travers rattachés à ce sexe...N'est ce pas?
Face à...l'apparente rudesse des hommes.

Enfin...trois épouses légitimes, et trois héritiers...voilà un cas de figure qu'on ne risque point de connaître un jour en Orcanie...ou ailleurs en Bretagne, Dieu merci!

Difficile de répartir le pouvoir suprême entre trois ambitions...
Voilà une source de conflit indéniable, non?

Oui, c'était là une situation assez tortueuse à appréhender, et donc à saisir et comprendre, pour l'orcanien (despotique) qu'était le tyran de ces terres.

Blanche écouta la réflexion de son époux avant de regarder la petite princesse s’endormir dans les bras de son père. Elle prit la première douillette qui traînait sur le lit royal et la déposa sur sa fille. Mélissandre prit possession de la douillette et ferma ses yeux.

Belle Enfant
Morphée t’attend
Va dans ses bras
Et endors-toi

La reine caressa la tête blonde de Mélissandre et regarda Mordred.

Peut-être, peut-être, mais pourrions-nous dire aussi que la meilleure solution n’est pas de parler. Et de trouver bonne entente malgré tout ? Ainsi nous évitons toutes conséquences ?

Trois têtes couronnées ? Voila une bonne question.

Peut-être est-ce une question de complémentarité, l’un apporte ses forces qui sont les faiblesses des autres et ainsi de suite ? Un royaume n’a-t-il déjà pas deux têtes couronnées ? Un roi une reine. Deux êtres différents qui règnent … L’un complétant l’autre pour l’unique raison de l’amour.

La mère des enfants d’Orcanie sourit et embrassa passionnément son roi

Ou encore, le tyran et la colombe, le gamin et l’adulte …

Un petit rire s’échappa de la reine et elle lui vola un deuxième baiser.

En effet!
Pourquoi pas trois têtes couronnées...
Une fratrie...régnant en bonne intelligence et dans la concorde!
Un beau rêve? mais qui si il devient réalité...pourrait s'avérer une excellente manière...de gouverner!

Mordred y croyait il seulement?
Peut être bien, finalement...
Autant qu'un véritable tyran pouvait croire en cette fable chimérique!
Mais l'époux aimant, lui, croyait dur comme fer (forgé) à sa dulcinée...et le lui démontra, en l'embrassant, passionnément :

Je m'en remet donc à votre sagacité...toute féminine!
Et à votre maturité...si prononcée!

Se moquait il d'elle par hasard?
Un tantinet...assurément.
Mais avant tout, il l'aimait et ne pouvait donc point s'empêcher, par conséquent, de titiller la belle blonde, qu'il gratifia de doux baisers, encore et encore...
Tel le gamin capricieux et affectueux qu'il était, encore.

La jeune mère héla une servante qui passait et prit la petite peste dans ses bras.

- Demandez à Olivia de s'occuper de Mélissandre , Geillis et Arthur.

Les deux enfants quittèrent et Blanche se rapprocha de Mordred.

- Oui, je suis sure que je suis la plus mature. Mais vous êtes un gamin très adorable. et appétissant.

Blanche éclata de rire et embrassa son époux. Elle se laissa tomber sur le lit et ferma les yeux.

J'ai fait le meilleur choix de ma vie. Vivre auprès de vous et des enfants. En plus de Morgause et Mordred junior. Vous êtes mon bien-aimé roi.

Blanche semblait plus heureuse et volontaire que jamais!
Ce qui fit franchement sourire son époux, qui, il faut bien l'avouer...avait une certaine propension à tout vouloir tourner en dérision...ou presque :

Ah!
Désormais que vous êtes ma femme! vous m'appartenez!
Pas de solution de replis possible.
Et...puisque nous avons des enfants...nous devons assumer nos responsabilités!
Enfin...surtout vous, si j'ose dire!

Cette remarque fit bien rire Mordred...
Plaisanterie? pas vraiment...le mariage chrétien était surtout contraignant...pour l'épouse.
Trop souvent cantonnée(?) aux taches dites "ménagères", et auprès des marmots...mais pour ce qui concernait les enfants...la reyne ne s'en plaindrait point!

Blanche sut que Mordred plaisantait.

Je suis à vous depuis notre premier repas en tête à tête.

Un rappel heureux et douloureux à la fois pour tout le monde.

Mais je prends plaisir à m'occuper des enfants. Vous contribuez, surtout pour Mélissandre. Une petite fille, qui aime bien retrouver le confort des bras de son père.

La reine d'Orcanie tira sur le bras de son époux , pour l'obliger à s'étendre près d'elle.

Personne ne me fera faillir,car je vous aime. Quand je vois Arthur ou quand je berce Mordred, je repense à Clodomir. Mon petit prince et la soeur jumelle de Mélissandre.

Blanche ferma les yeux et laissa échapper de longues larmes.

Mordred, émut et chagriné de voir son épouse si mélancolique...s'installa sur le rebord du lit...pour ensuite tâcher de chasser, d'une main, les larmes de la reyne.

Le roy passa un doigt sur le charmant petit nez de sa belle amie...avant de caresser d'un doux revers de main la blanche joue de la mignonne colombe...

Ces petits anges reposent en paix, aux cieux...Mais d'autres angelots...méritent notre attention.
Ici...ainsi que tout notre amour...
Nous disposons d'assez d'affection, l'un pour l'autre, pour par la suite en répandre autour de nous...n'est ce pas?

Voilà des paroles réconfortantes qui devraient fort logiquement rasséréner cette chère Blanche.

La fatigue gagnait toujours la reine. Elle aimait l'orcanie et son roi. Lorsque son époux essuya ses larmes, elle eut un mince sourire.

Il avait raison. Mordred et Morgause étaient encore jeunes. Elle ne pouvait pas les oublier.

Les lèvres de la colombe frôlèrent celle du loup d'Orcanie et elle esquissa un mince sourire.

Merci ...

Puis un long silence, Blanche restait dans la chaleur réconfortante de son époux.

Elle l'aimait tant

Mordred offrit un large sourire à la reyne avant de s'allonger complètement, et lui faire face...

Il caressa, ensuite, fort délicatement, les mèches blondes de sa belle amie...Et enfin...déposa un baiser sur son front, juste entre les deux yeux...Ses magnifiques yeux océan.

Enfin...il rapprocha sa tête du front lumineux de Blanche, et...soupira, avant de refermer ses paupières de plus en plus lourdes, et pesantes.

Le roy se sentait, vraiment...mieux que bien.

Blanche se laissa cajoler et embrassa une dernière fois les lèvres de son époux.

Lorsqu'il ferma les yeux, elle sourit. Il était exténué le pauvre, tout comme son fils Mordred jr qui dormait attentivement sous l'oeil maternel de sa mère.

Elle n'avait pas sommeil, mais ses deux tyranneaux oui. Elle couvrit son roi d'une couverture et s'allongea de nouveau près de lui.

Elle vint se blottir et accompagna son bel ami dans une sieste réparatrice

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