Audience royale...

" Le Prince Aodhan ! Cédez le passage ! Laissez passer Son Altesse ! "

Un guerrier de haute stature ouvrait le chemin tout en beuglant le nom de l’homme qui le suivait, entouré par toute une escorte. Ces hommes étaient des pictes, comme le démontraient aisément leurs tatouages étranges sur leurs bras et leur peau fantomatique, rendue bleuâtre par la guède dont ils se peignaient le corps. Une troupe constituée d’une vingtaine de guerriers faisaient donc office de garde rapprochée autour de leur prince, Aodhan. Celui-ci était un jeune homme de seize ans, mais qui en paraissait déjà vingt. L’arrogance et le mépris qu’il arborait le vieillissaient prématurément, et il avait toujours un espèce de rictus dépité, sans que l’on sût exactement pourquoi. Si Aodhan était le premier garçon de la descendance du roi picte Brude mac Maelchon, il n’était cependant pas l’aîné des enfants… Car le pouvoir passait habituellement par les femmes, et sa sœur aînée, qui n’avait d’ailleurs qu’un an de plus que lui, allait lui ravir la place d’héritier à la couronne. Quel dommage… il en concevait une jalousie immense, et un dépit plus grand encore. Andra était de plus préférée de loin aux autres enfants de leur père, étant issue de son premier mariage avec une femme qu’il avait beaucoup aimé. C’était là une raison de son éternelle rancœur contre le monde entier, mais peut-être que cela allait bientôt changer…

Le prince picte promenait alentour son regard vert prasin avec dédain, comme si le royaume de Gaurres n’était pas digne de son intérêt. Et pourtant… il avait été tellement enthousiaste à l’idée de cette « excursion » hors du territoire picte ! Enfin un peu d’action, pensait-il avec un entrain inhabituel. Le roi son père, voyant que sa fille, qu’il avait envoyée en Orcanie avait du retard, s’était empressé de l’envoyer à son tour en Gaurres. Une mission qui n’était finalement pas de routine, comme le jeune homme avait eu tort de le croire : on allait probablement être très prochainement en guerre, et cette perspective le réjouissait au plus haut point. Enfin, Aodhan aurait la possibilité de faire ses épreuves, sans être éclipsé par les exploits de sa chère sœur ! Sans oublier que la bouche pernicieuse de sa mère répandait tout son fiel à son oreille attentive et crédule, et tous deux n’attendaient qu’une occasion pour faire chuter Andra. Ah, si seulement elle pouvait mourir accidentellement lors d’une chasse, ou tout simplement là-bas, dans les lointaines terres d’Orcanie ! Néanmoins, Aodhan ne souhaitant quant à lui pas vraiment la mort de son aînée : l’avoir en son pouvoir, actuellement inexistant, le satisferait davantage.

Enfin, c’était en échafaudant toute sortes de plan qu’il avait atteint le royaume de Gaurres, afin d’y rencontrer le roi Baléagant, l’usurpateur. Mais peu lui importait, à lui, Aodhan, de savoir si ce roi avait le droit de régner ou pas ; il ne réfléchissait que pour son propre intérêt, et celui-ci lui dictait en ce moment d’aller tâter le terrain chez ce redoutable sire. Ensuite, il aviserait… Mais il ne doutait pas qu’il prendrait le parti opposé à celui d’Andra. L’adolescent songea avec une étrange satisfaction que tous deux se ressemblaient en tous points, et dans tous les domaines, hormis celui de l’avenir. Elle n’était nullement inquiète pour son avenir, et vivait au jour le jour.

On franchit facilement l’enceinte, les gardes étant prévenus auparavant. L’escorte picte se dirigea vers le château, et s’arrêta devant son entrée. Le prince Aodhan s’avança au-devant de tous, et y entra d’un pas fier, le menton levé comme un signe de défi envers quiconque le croisait. Il avait belle allure, et était le portrait d’Andra à la différence que ses cheveux n’étaient non pas blonds, mais noir corbeau ; il avait sinon le même regard étincelant et vert, et une grande finesse dans les traits de son charmant visage. L’adolescent n’avait qu’à cueillir les donzelles qui lui tombaient dans les bras, bien qu’il fût relativement jeune ; il fallait croire que son comportement hautain et hargneux séduisait facilement. Et si seulement il ne séduisait que les filles…

" Ewen, annonce-moi rapidement au seigneur de ces lieux, j’ai hâte et j’ai assez attendu. "

Le ton était si impérieux, que celui qui semblait être le chef de la garde aurait dû frémir en entendant l’adolescent lui parler ainsi. Néanmoins, il s’inclina avec respect et se tourna vers les gardes postés devant la salle du trône.

" Dites au seigneur Baléagant que le prince Aodhan, fils du roi Brude, souhaite le rencontrer… "

Là-dessus, un des gardes alla demander la réponse du roi de Gaurres, et un petit silence très oppressant régna pendant une dizaine de minutes sur la troupe.

Invité

Baléagant fut interromput lors d'un disscussion futiles avec un domestique lorsque l'un de ses hommes vint lui annoncer la venu d'un fils picte. Une interessante visite pour dire vrai.

Le seigneur renvoya à sa besogne le domestique et d'un pas lent et froid, il prit la direction de la salle du trône, ignorant avec grâce et désinvolte, le décor sévère et beaucoup trop morne l'entourant. Les murs étaient gris, la tapisserie était froide, les tableau vide de sens et le seigneur était tout aussi glacial et dur que son entourage mobilier.

Le vil seigneur fini par atteindre la porte menant à la salle, il l'a traversa plus rapidement et arriva nez à nez avec un robuste...adolescent...Un, prince, certe, mais un garçon. Baléagant ne fit pas paraître son étonement et se plaça plutôt face au prince venu à lui. Si l'adolescent portant en son sein autant de fierté évidente et de confiance, il devait y avoir des raisons.

- Alors dites moi, en quoi puis-je donc vous être utile messire...Le voyage ne fut point pénible je l'espère?

L’irritation du jeune prince était palpable ; au bout de quelques minutes, il tapait déjà du pied, une moue hautaine et courroucée au visage. Le dénommé Ewen jeta régulièrement de petits coups d’œil furtifs vers Aodhan, qui ne daignait même pas poser son beau regard sur lui, et qui l’écrasait par son attitude méprisante. Il semblait également que la mauvaise humeur de l’adolescent était en train de contaminer toute la petite troupe. Ou bien peut-être était-ce la lourde et sombre atmosphère des lieux, qui influait sur le moral de chacun…

En tout cas, tout le monde fut soulagé lorsque le roi de Gaurres apparut enfin. Aodhan se redressa de quelques centimètres, mais ne quitta en rien sa désinvolture affectée, et arborait à présent une expression arrogante qui eut agacé le plus calme des hommes. Mais tout comme sa sœur, on avait bien du mal à lui en vouloir… ils étaient si charmants ! Cependant, si cela constituait un point commun de plus, ils ne le reconnaîtraient jamais de leur vie : ce serait discerner entre eux un lien familial, et les dieux savaient à quel point la haine qu’ils nourrissaient ardemment l’un pour l’autre était tenace et vivace.

Le jeune homme s’inclina légèrement, puis répondit à la question courtoise qui venait de lui être posée.

« Fort bien, Votre Majesté, fort bien ! Les gens sont tout à fait agréables, et très serviables ; le voyage a été relativement tranquille, et on regrette de ne pas circuler partout aussi bien que sur le territoire de Gaurres ! »

Tout n’était que mensonges, idioties et banalités ! En réalité, le trajet avait été exécrable, les gens odieux, et il avait très souvent fallu les terroriser et leur voler des vivres pour pouvoir survivre, car Monsieur Aodhan n’avait pas voulu ralentir leur allure pour chasser. Le temps avait été affreux, et la pluie ne les avait pas épargnés : ils étaient tous trempés, et le contact des peaux mouillées sur la peau nue était vraiment désagréable. Et après, on s’étonnait que le prince fût de fort méchante humeur ! Mais on a pu remarquer un changement d’attitude chez l’adolescent, qui, s’il n’avait pas pris la peine de dissimuler son arrogance, parlait à présent de la voix doucereuse et mielleuse qu’il prenait en s’adressant aux personnes qu’il considérait comme supérieures. Baléagant pouvait donc se flatter d’en faire partie, et de ne profiter que de la version « soft » et agréable – ou presque – du jeune picte.

« Enfin, nous, représentants du peuple picte, sommes venus prendre connaissance des décisions du roi de Gaurres concernant le conflit d’avec le roi d’Orcanie. »

Puis, dans un souffle :

« Nous aimerions également accorder le soutien de notre peuple aux forces de Gaurres, mais à quelques conditions… »

Il y eut un léger mouvement de surprise chez le restant des pictes, qui lancèrent à leur prince un regard fort surpris. Comment pouvait-il prendre une telle décision, seul ? C’était inconsidéré ! Qu’en dirait son père, le roi Brude ? Et Andra qui se trouvait être le deuxième personnage le plus important chez le peuple picte ? D’ailleurs, n’était-elle pas partie de son côté en Orcanie rencontrer le roi Mordred ? Justement, Beasag, sa mère, avait saisi l’occasion de supplanter cette jeune adversaire, qui était maintenant trop loin pour démêler les intrigues fielleuses de sa belle-mère. L’actuelle reine des pictes avait bien remarqué le scepticisme d’Andra concernant cette guerre qui, pensait-elle plus ou moins justement, ne les regardait pas, ou du moins, pas pour le moment. De plus, la jeune fille avait plusieurs fois essayé de faire fléchir son père pour lui prouver que la neutralité serait la meilleure solution, mais Beasag avait si bien manœuvré que Brude avait finalement choisi de prendre connaissance des intentions des deux camps. Et voilà que ce princelet, comme aimait à l’appeler Andra, assurait directement le soutien des pictes à Baléagant… Une simple phrase avait suffi à faire changer le cours des choses : Aodhan avait assuré leur aide, et il ne pourrait dorénavant plus reculer…

Invité

- Les habitants de Gaurres? serviable et sympathique? Cela m'étonne grandement! Bref, en autant que ceux-ci se soient montrer respectueux...

Baléagant sourit, cachant habilement sa satisfaction face au jeune homme. Un nouvel allié, appuyer par de nombreux soldas pas trop sur de la déscision mais tout de même... Ils allaient s'habituer à la Gaurres et allaient sans nul doutes adorer le gout du sang Orcanien...

Le seigneur de Gaurres alla prendre place dans son trône et croisa les doigts, question de se mettre à l'aise. Il prit tout son temps pour répondre, admirant la décoration neutre et froide de son château. Démérick avait choisit les couleur en fonction du climat extérieur apparemment...

- Je vous écoute, quel sont vos conditions?

Les flatteries d’Aodhan sur les gens de Gaurres étonnaient grandement Baléagant, qui ne devaient guère être apprécié par ses sujets. Le roi Brude avait raconté au jeune prince quelques rumeurs sur ce roi, qui ne serait pas légitime, s’étant sournoisement emparé du pouvoir et du trône. Mais qu’importait tout ceci au jeune homme ! Il tenait probablement sa vengeance contre sa sœur aînée, qui lui pourrissait la vie depuis sa naissance, seize ans plus tôt. Andra le privait de tout, et le surpassait partout : elle combattait admirablement bien et l’avait toujours battu avec n’importe quelle arme ; elle bénéficiait de l’affection tant difficile à s’approprier de leur roi de père ; et on vantait partout la beauté de mademoiselle. Elle l’écrasait de ses victoires, de sa réputation qui grandissait chaque jour, et de plus, elle aurait le trône quand Brude mac Maelchon mourra ou abdiquera ! C’était trop… et il était bien décidé à changer le cours des choses.

La gorge du jeune picte se serra, et la jalousie réveilla la vieille fureur qui ne demandait qu’à se déchaîner dans son for intérieur, puis à l’extérieur. Il arriverait bien à la faire tomber un jour, et il l’enverrait voir de très près Dis Pater… Oh, heureusement que Beseag, sa rouée de mère, le soutenait ! Car si la rage qu’il avait entretenue contre sa sœur pendant toutes ses années était devenue fort conséquente, celle de sa mère était cinq fois pire. Et la diablesse avait eu le temps de lui souffler les sombres desseins qu’elle avait brigué pour sa belle-fille.

Aodhan avait désobéi à son père, et il savait pertinemment qu’il aurait à se justifier de se conduite et de ses paroles face à lui. Et avec un peu de chance, Andra viendrait se frotter à lui, et qui sait ce qu’il pouvait arriver… Enfin ! Il n’en était pas là, fort heureusement ; car il n’en mènerait assurément pas large devant l’ire redoutable de Brude et la hargne belliqueuse de sa sœur. Il fallait donc à l’instant rechercher les conditions qui sauraient faire fléchir le roi picte…

Un sourire un brin suffisant se dessina sur les lèvres fines et roses de l’adolescent, mais son visage persistait dans une froideur impérieuse. Ses yeux verts brillèrent, et on perçut à son ton onctueux qu’il appréciait décidemment Baléagant. Certes, ces deux-là pourraient vraiment s’entendre…

« Je te présente auparavant mes remerciements de m’avoir accordé cette audience, et de bien vouloir m’écouter.
Donc, les conditions du roi Brude sont moindres, pour un roi pour le moins puissant tel que toi : un soutien militaire en cas d’attaques du royaume picte, soutien qui serait également valable dans le cas contraire.
Il ne faut pas oublier que nous contrôlons quasiment toute la Calédonie ; nos terres sont relativement étendues du fait des différents clans qui composent le royaume picte, et le régissent.
De plus, le royaume de Dal Riada, qui est gouverné par le roi Aedan mac Gabran, nous est soumis, et quelques-unes de leurs troupes ne seraient pas de trop pour la guerre à venir… »

Satisfait par son petit exposé, le jeune prince picte se tut, et attendit avec une impatience savamment dissimulée la décision finale du roi de Gaurres. Il pensait avoir été convaincant… et espérait l’être réellement. Néanmoins, il n'y avait peut-être pas lieu de d'en douter : les conditions proposées étaient en tous points avantageuses pour chacun...

Invité

Censuré par l'auteur

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