Rendez-vous (suite)

Niniane frissonna un peu, sentant la main de Talbot sur la sienne. Le savoir vivant et seulement légèrement cramoisi la rassurait. Elle acquièça sa promesse et se redressa puis se dirigea vers la porte et disparût dehors, là où attendaient les soldats. Puis, ceci étant fait, elle réapparût dans l'embrasure de la porte, suivie des soldats sous le commandement du conseiller puis, les laissant là, s'affaira à aller lui préparer elle-même son bain.

Niniane était partie préparer un bain pour le conseiller pendant que celui-ci saluait et remerciait ses soldats. Puis, lorsqu'ils se retrouvèrent enfin seuls, elle sentit les bras forts du conseiller venir enlacer sa taille. Seuls. Ils étaient enfin seuls. Elle ferma les yeux, savourant avec délice ce moment qui leur avait été longtemps volé puis, se retourna pour faire face à son amant, l'examinant des pieds à la tête (décidément, ça allait devenir une habitude !) Puis elle vint l'embrasser. D'abord doucement.

Lorsque le conseiller pénétra dans la bassine d'eau chaude, préparer quelques instants auparavant, Niniane se saisit d'une éponge et vint frotter délicatement ses épaules afin d'en ôter toute odeur de brûlé. Elle le frictionna doucement, passant ça et là, ravie de retrouver ce corps qui était de nouveau sien.

« Je veux bien repousser toutes les armées du monde si vos mains délicates me soignent de la sorte à chaque fois. »

Niniane se mit à rire :

« Ma foie, vous connaissant, vous seriez bien capable de faire cela juste pour obtenir mes caresses ! »

Elle lui mit un peu d'eau mousseuse sur le nez :

« Ce qui, cependant, ne serait pas pour me déplaire !», décocha-t-elle dans un sourire avant de déposer un délicat baiser sur le front du conseiller.

Niniane eût à peine le temps de répliquer qu'elle se retrouva entrainée dans l'eau, sur les genoux de son amant. Elle était maintenant, immergée des pieds à la tête. Alors qu'elle aurait pû protester, râler, pester, la prêtresse plongea son regard dans celui du conseiller avant de l'embrasser avec ferveur. Dans le fond, elle n'avait attendu que ça. Puis, une fois le baiser donné, elle le regarda :

« Vous êtes un vil tricheur, mon ami ! »

Pourquoi me blâmer alors que je n'ai fais que vous rapprocher de moi. Dit il amuser.

Il attrapa à son tour l'éponge et fit ruisseler l'eau encore chaude sur la tête de Niniane. Puis il l'embrassa à son tour passionnément.

Niniane sentit l'eau chaude couler sur sa tête puis le long de son dos et de son visage. Fermant les yeux, elle eût un soupire de plaisir tant cette chaleur lui fit du bien. Puis, elle savoura à son tour, le baiser offert par le conseiller, tout en passant ses bras autour des épaules de ce dernier.

« Vous usez de ruses comme si j'étais une terre à conquérir ! » , dit-elle sur un ton amusé.

Au fond, cette idée lui plaisait. Etre conquise par Talbot, possédée par la suite. N'était-ce pas comme cela que ça c'était produit ?

Pourquoi vous offusquez que je ne vous considère pas comme acquise mon amour. Talbot reprit son ton de conseiller prophétique qui avait plaisir à prendre en présence de la prêtresse.

Nul n'a idée du pouvoir que nous avons de changer le cours de notre vie et son vibratoire. Quelle force peut nous y faire croire si ce n'est notre amour? Nous passons à côté de tant de choses qui nous tentent, ce sont ces choses là qui plus tard, paraît-il, nous hantent. Hier n'existe plus, le présent est néant, de quoi est fait demain? La légende du monde dépend-t-elle de celle qui se doit de nous être personnelle? Malgré ces deux infinis des vagues abondent, appréciez l'intérêt quand se démarque une ronde. Le soleil est sur un prophète pour qui sait lever les yeux. J'ouvre les ailes des moments les plus sublimes, des versets lestent mon imaginaire. Mais lorsque je suis avec vous, aux antipode de Warminster, de ses codes, de ses castes si néfastes. Des épisodes d'une nouvelle donne bordent en couleurs nos contrastes.

Le conseiller avait raison. Les hommes passent bien trop souvent à côté de tellement de choses pour la seule et unique raison qu’ils passent beaucoup trop de temps à convoiter ce qui ne leur sera jamais acquis alors que les choses tellement futiles de la vie, mais les plus appréciables, sont au bout de leurs doigts. Par son éducation de prêtresse, Niniane avait appris à vivre en communion avec la nature, et donc à profiter à chaque instant de ce que celle-ci lui donnait. Talbot avait raison. Hier n’existait plus, le présent était peu de chose. Seul l’avenir comptait.

Dans le fond, de ne point se savoir encore acquise fit sourire la jeune femme. Ils auraient encore du temps pour se découvrir. Ils s’étaient attendus depuis tellement de temps. Ils pourraient patienter encore un peu. Et puis … La prêtresse avaient encore dans son sac, quelques atouts qu’elle réservait à son amant. Atouts qu’il serait stupéfait de découvrir en temps voulu. La future promise considéra longuement son amant, n’osant interrompre son discours prophétique, savourant pleinement ses paroles suaves. Pour seules réponses, elle acquiéçait, souriait ou hochait la tête.

Constatant que des frissons venaient menacer sa peau douce, Niniane ôta les quelques vêtements qui, maintenant trempés la gênait et reprit l’éponge qui trônait entre les doigts du conseiller. Sa poitrine, habillée d’une douce et légère mousse blanche, frôla doucement le torse du conseiller. Oui ! Ils profitteraient de chaque seconde !

Une fois dévêtue, Niniane replongea dans l'eau, afin d'éviter à sa peau de goûter aux baisers du froid. Elle grimaça puis sourit lorsque la main qui s'était avancée vers elle avait déposé de la mousse sur son nez. Soufflant dessus puis reprenant son sérieux, elle déclara :

« Avant vous, les seules caresses que j'ai connues étaient celles du vent et de l'eau. Jusqu'alors, je m'en contentais. Mais, depuis que je vous connais, depuis que je vous ai goutté, je ne puis plus me passer de vous ! »

La prêtresse se mit à sourire :

« Pas une seconde ne défile sans que vous ne hantiez mes pensées, mon ami ! »

Talbot caressa tendrement le visage de la grande prêtresse avant de l'embrasser longuement. Il laissa échapper un long soupir de contentement. Il reprit l'éponge et la fit glissée sur les épaules de Niniane.

Quand pourrons nous enfin nous unir ma douce? Demanda il impatient d'être initier aux rites païens.

Alors que l'éponge glissait sur ses épaules, faisant retentir en Niniane une bouffée de bien-être, le mot "union" retentit dans son esprit. Avec toute cette agitation, elle avait bien failli oublier la promesse de son aimé. Rougissant de honte, elle plongea ses mains dans l'eau, s'en aspergea le visage et reprit ses esprits.

« Il me faudrait pour cela, convoquer l'ordre des prêtresses ! », annonça la jeune femme.

L'empressement de Talbot aurait dû froisser la jeune femme. Au contraire, cela ajouté à sa curiosité naissante par rapport à sa future religion, la faisait sourire :

« Une prêtresse doit représenter la déesse durant la cérémonie. Et, bien que je sois la représentante directe de Mélusine aux yeux de son temple, puisqu'il s'agit de mon union, une autre doit représenter la déesse à ma place. »

Elle nota l'air inquiet de son amant :

« Ne vous inquiétez pas ! Elles sauront garder leur langue ! N'oubliez pas qu'elles ont fait voeu de silence !»

Et la magie qui avait opéré durant quelques instants se brisa. Niniane qui avait espéré que son amant reste enfin auprès d'elle vit son rêve s'envoler lorsqu'il lui annonça qu'il devait repartir au royaume du Roy Mordred afin de seconder Morgause, l'unique régente tant que Mordred ne reprendrait pas le sceptre entre ses mains.

« Sans compter ce dragon qui menace toujours notre royaume. Tout semble décidément mis en œuvre pour que nous soyons éloignés l'un de l'autre. »

Et elle commençait à y croire. Tout semblait d'un coup se diriger contre les deux amants. Elle le regarda d'un air triste :

« Ne puis-je donc vous accompagner ? »

Même si elle connaissait la réponse, elle espérait qu'il lui dise "oui".

Niniane réfléchit un moment. Puis, une idée caressa son esprit. Elle avait sauvé la vie de Dame Blanche. N'était-ce pas une raison suffisante pour obtenir les grâces du royaume ? Elle pourrait prétexter vouloir s'assurer de la santé de la future-régente orcanienne tout en expliquant vouloir lui prodiguer des soins supplémentaires. Son visage s'illumina.

« Il y en aurait bien une ... »