Ballade nocturne

Exodius marcha aux côtés de Gwen, songeur. Il ne répondit pas avant qu'ils eurent longtemps marché dans les sous-bois, pénétrants dans l'intérieur même de la forêt. Il semblait réfléchir, se grattant la main gauche et fixant le vague, droit devant lui. Leur marche silencieuse faisait écho à la vie presque endormie de la forêt. Ils croisèrent un hibou venant tout juste de se réveiller, et hululant d'indignation tandis qu'on le dérangeait pendant son réveil. Le bavardage silencieux des branches emportées par le vent et le bruit de leurs pas sur l'herbe douce et tendre faisait de cette marche un moment agréable à ne pas troubler, de même que la quiétude des lieux.

Ils atteignirent un petit étang majestueux, miroir de la lune presque pleine, et reflétant le ciel étoilé. Exodius mit un doigt devant sa bouche, en signe de silence, et s'accroupit derrière un buisson, faisant signe à Gwen pour qu'elle le rejoigne. De là, on pouvait regarder les bords du lac minuscule sans être vu. Il intima discrètement à la petite fille de ne pas parler, de ne pas bouger. Il ajouta d'ailleurs :

- Je vous répondrai plus tard.

Là, ils attendirent de longues minutes, où rien ne venait, rien ne se passait. Une attente longue et dure. Les muscles du jeune homme étaient endoloris à force de rester accroupi, mais il était habitué à ce genre de démangeaisons, et espérait que la princesse tiendrait le coup. Le jeu en valait la chandelle.

Enfin, ils vinrent.

Ils purent d'abord entendre un petit bruit de sabots contre les galets entourant le point d'eau. Puis ils aperçurent deux animaux sortants de sous la voûte des arbres.

Une biche et...son faon !

Les magnifiques bêtes s'étaient mises à laper majestueusement dans le clair étang. on entendait presque le bruit de leurs petites langues sur la surface aqueuse. Le petit faon, soudain, trébucha sur ses frêles jambes, et aurait sans doute sombré dans l'eau si sa mère ne l'avait pas attrapé par la peau du cou, avec les dents.

Après quelques minutes à boire, elles se retournèrent, mais ne partirent point, comme si elles attendaient quelqu'un.

Exodius sourit, ce quelqu'un, il savait de qui il s'agissait.

Un magnifique cerf sortit des sous-bois. Ses deux bois, tels des cornes magiques, raclaient l'écorce des arbres et dessinaient de beaux motifs dans leur souche. Il était d'un brun enchanteur, comme sa compagne et son petit. Il alla près de l'étang et, majestueusement, se rabaissa fièrement pour laper, lui aussi, de l'eau.

Le tableau était magnifique, et les deux nouveaux amis, en première loge.

Gwen suivit le jeune homme. À ce stade, elle n'avait plus le choix. Elle ne pouvait pas retourner comme ca au château. Encore, savait-elle s'y rendre ? Et qui l'attendrait ? Surement sa gouvernante. Ou encore son père fou de rage.

Accroupie derrière le buisson, Gwen regardait la scène avec admiration. La seule fois qu'on lui permettait de les voir ainsi. Et non courant, en fuyant, ses oncles lors d'une partie de chasse. Gwen avait participé, contre la volonté de son père et l'exaspération de Sir Lancelot, a une chasse organisé par le grand roi.

Chasse pénible. Puisque chaque fois que les hommes du roi tentaient une prise , la petite s'arrangeait pour les faire partir et cela mettait en rogne les chevaliers de la table ronde.

Personne ne pouvait dire Ô combien il détestait cette petite, vue l'adoration du roi, pour l'enfant .

Mais là, cette position commençait à l'énerver.

La petite princesse se frottait les yeux. La pauvre enfant semblait plus fatiguée. Elle vacilla légèrement vers l'avant, avant de se reprendre.

Mais la deuxième fois, ses muscles étaient trop faible, pour la supporter.Gwen tomba a genoux et se retint de ne pas faire rencontre avec le sol.

La biche releva la tête immédiatement. Le cerf aussi, et le faon fit quelques pas maladroits vers sa maman. le tableau enchanteur s'était brisé, les bêtes farouches foudroyaient le buisson où s'étaient cachés Exodius et Gwen du regard. Les bêtes allaient s'enfuir, effrayées, paniquées et craignant d'être dévorées. Le vent soufflaient dans le mauvais sens, elles ne pouvaient pas sentir qui se cachait là. Les animaux allaient tourner les talons et se carapater la queue entre les jambes lorsque...

Exodius se mit à chanter.

Une voix grave et lancinante émanait du buisson. Elle semblait venir du fond des âges, et les animaux semblèrent se calmer. La biche se retourna vers le cerf qui, soudain apaisé, regardait dans le vague.

La nuöit, a baranca leros, Mannn
Létt Mara nuco livt...Naraya Mannn

Explutor nas plegar ielf Mannn
Manna Ess Nucarma Mannn

La Nuit, à toute heure, Mannn la maudite
Cherche Mara, dans son âme...Trouves Mannn !

Eloigne toi de la corruption Mannn
La Magie, La Couleur, La Vie, Mannn !


Les animaux comprenaient le véritable sens de la chanson, et ils semblèrent se calmer. Exodius répéta longuement les huit vers, se levant doucement, et se rapprochant des bêtes. Soudain, l'une d'entre elle, le petit faon, bien plus craintif, gémit de peur. Et là, le charme fut rompu, et les trois bêtes s'enfuirent.

Le garçon resta là, le coeur triste, puis se retourna vers Gwen, le regard mélancolique.

- Rentrons au château, il se fait tard.

Il allait devoir s'expliquer...

Exodius regarda la demoiselle. Il se rendit compte qu'elle était morte de trouille. Ce qu'il avait fait, elle ne le comprenait pas. Il voulait la rassurer, car c'était une petite fille, et, qui plus est, une petite princesse.

Il lui dit d'un ton très doux, tentant de la calmer et de ne pas l'effrayer.

- Il me semble que tu mérite effectivement quelques explications.

Il s'éloigna d'elle, ajoutant qu'il le faisait pour qu'elle sache qu'elle n'avait rien à craindre de lui.

- Je suis le dernier fils d'un petit village niché autrefois dasn les creux de deux petites montagnes. Ignoré des autres païens, inconnu des chrétiens, il existait néanmoins, et vécu dans l'autarcie la plus totale. Puis, un jour, les chrétiens l'ont trouvés. a leur tête, il y avait un prêtre inquisiteur, qui voulait convertir mon village. Nous nous sommes enfuis. Mon vrai nom est Basch, mais j'ai été rebaptisé Exodius, à cause de cette fuite éperdue à travers le pays.

Le garçon se pinça les lèvres. La suite était trop dure à dire. Il mentit alors, ou plutôt déforma la vérité :

- Un jour, je me suis perdu, et n'ai plus aucune nouvelle des miens depuis. J'ai du vivre seul si longtemps que je ne sais guère plus combine de temps a duré ma vie de vagabond, de voleur et de mendiant. Puis un jour, Vaillant m'a trouvé, et m'a emmené de force dans le château du Roy Mordred. Et tu connais la suite.

Il voulut alors s'expliquer quant à son chant "magique" :

- Ce que tu as vu, nos mères l'enseignaient à tous leurs enfants, et il parait même que les plus chanteurs les plus doués étaient capable de dompter le moindre animal rien qu'en chantant. Je ne suis certainement pas aussi doué, dit-il en riant, et je ne le serai jamais.

Il se pencha en avant, et demanda doucement à sa confidente improvisée :

- Veux-tu savoir autre chose, petit lutin ?

Exodius rougit un peu à la première question, puis devint carrément couleur tomate à la seconde. Il trépigna un peu d'un pied sur l'autre, visiblement gêné. Puis il s'arrêta soudain et éclata de rire. Quand il cessa de pouffer et de s'étouffer à cause du comique de la situation, il répondit à la petite d'une voix rauque :

- A vrai dire, je...ne sais absolument pas ce que signifie ce poème !

Et il reccomença à s'étrangler de rire. Après s'être un peu calmé, il dit d'un ton très sérieux :

- Non, je ne suis ni magicien, ni sorcier, ni quoi que ce soit d'autre. En fait, je ne comprends absolument pas ce qui se passe lorsque je "chante", et c'est sans doute à cause de ça que je ne suis pas doué dans cette...Heu...discipline. D'ailleurs, je ne sais pas qui est cette...Hum...Grande Déesse...Mais je connais un grand panthéon de dieux plus...singuliers les uns que les autres ! D'ailleurs je vais te donner un nom inspiré par eux : Nalaya, petite renarde. Le vrai nom de cette déesse-là est...hum...

Il exhorbita les yeux, soudain une boule d'acier se forma dans sa gorge : il ne connaissait plus le véritable nom de ce dieu là !
Il était indigne des connaissances de ses ancêtres s'il était incapable de s'en rappeler en temps et en heure !

Exodius se gratta frénétiquement la main gauche, au niveau de la marque noire, priant Gwenaelle de l'excuser (tient, par contre, il se souvenait de son nom en entier, à celle-là !). Puis, enfin, il se souvint et déclama fièrement :

- Dont le vrai nom est Naramayla !

Il se rendit compte alors de sa bêtise. Il n'avait pas le droit de dire le vrai nom d'un dieu à un chrétien ! Il se l'était promi, et c'était contraire aux règles des Erbrowiens...Décidemment, il était vraiment dans la panade jusqu'au cou.

Tirant un couteau de sa poche, il dit à la petite fille :

- Je suis désolé...



HJ :

Alors lui aussi il avait des dieux. Ils semblaient différent des siens. À vrai dire , Gwen se doutait qu'il changeait de nom.

Quand exodius chercha le vrai nom, Gwen émit un sourire. Cela lui rappelait son précepteur de Camelot. Celui qui dé.sirait qu'elle connaissent tous les dieux. Celui la n'avait pas survécu à l'ouragan Gwen.

Lorsque le jeune homme sortit son couteau, Gwen recula de quelques pas. Que voulait-il donc se faire, ou lui faire ?

Que voulez ...-vous faire ?

balbutia la nièce deu Roi Mordred.

Cette soirée commençait de nouveau à être étrange.




[hj : c'est pas bien de faire peur a une fillette de 8 ans ]

Exodius dit à la fillette apeurée :

- Tu ne devais pas voir ça...Non...Ni entendre ça...

Il réduisit la distance qui les séparait à rien en un bond, et saisit la main de Gwenaelle. Puis il récita quelques litanies, en retenant la fillette, pour qu'elle ne s'échappe pas, puis se planta le couteau dans la main gauche, au niveau de la marque. Il gémit de douleur et lâcha la main de la petite. Puis il râla :

- Désolé...Je devais...me...punir...Pour ce que...Raaah...J'ai dit...Rentrons au château !

Exodius prit une feuille encore à peu près verte sur les branches d'un arbre et s'enroula la main dedant, pour que personne ne remarque sa blessure.

- Tu ne diras rien à personne, compris ? C'est notre...notre petit secret, sylve des bois. D'accord Nalaya ?

Sa voix se voulait de nouveau rassurante, et son coeur battait la chamade. Si elle disait non, il devrait la tuer. Sur le champ.

Bien, au moins, la petite fille était intelligente.

Exodius hocha la tête, puis repartit sans hâte. Il semblait avoir perdu toute énergie, et il lui semblait soudain futile de s'être ainsi tailladé la main. Il regarda Gwen, puis son "bandage" improvisé. Puis il le déroula et lui tendit :

- Pour te rappeler de ta promesse, et de la...dette que j'ai envers toi.

Pourquoi tant de mal pour quelques dieux disparus ? Pourquoi devrais-je ainsi tout sacrifier, ma liberté, mon droit de parole...Pour des dieux qui n'existent plus.

Il regarda de nouveau Gwenaelle. Puis il comprit. Cette fillette serait la première Nouvelle Fille d'Erbrow. Son cerveau avait ajouté au quart-de tour, et avant que la princesse ne lui demande quelle était cette dette qu'il avait envers elle, il rajouta, d'une voix qui ne souffrait aucune réplique :

- Je t'apprendrai les rites que je connais, et les dieux qui y sont associés. Puis, en bonne élève, tu me suivra lorsque j'irai chercher les légendes qui s'y rapportent, et tout ce que nous ne connaissons pas déjà.

Il espérait juste qu'elle se montrerait coopérative, après tout, les enfants aiment apprendre des choses, et les chasses au trésor, non ?

Il regarda la fillette sans sourciller. Exodius ne savait pas. Et cette ignorance l'importunait. Le garçon soupira, puis répondit en toute franchise à Nalaya :

- Je ne sais pas. Peut-être que oui, peut-être que non !

Puis il mima une grimace qui se voulait sourire, et haussa les épaules :

- Je ferai des recherches. Je te le promet, petit lutin.

Il espérait que la petite ne lui tiendrait pas rigueur du mauvais qu'elle avait vu ce soir, mais qu'elle ne retiendrait que le bon (et l'un peu moins bon).

- Il est temps de rentrer. Je commencerai à te donner les noms des dieux lorsque nous en aurons la possibilité : dans deux jours, ou dans deux semaines, c'est à Sh...la Grande Déesse de décider.

Exodius, remarquant la fatigue de la petite, lui demanda s'il ne voulait pas qu'il la transporte jusqu'aux abords du château :

- Ainsi je n'aurai pas à me retourner constamment pour vérifier que tu est bien derrière moi ! ajouta-t'il, pince sans rire.

Il voulait bien l'emmener jusque là-bas, mais elle devrait faire le reste du trajet seule.
Il fut soulagé lorsqu'elle le remercia, et lui sourit gentillement. Leurs relations seraient peut-être moins tendues que prévues...même si sa main lui faisait toujours mal...

Exodius la prit dans ses bras, lui déposa un baiser sur le front, et parcouru lentement quelques mètres. La petite fille était plus lourde que ce qu'elle semblait. Mais au bout de quelques pas, le garçon s'était habitué, et parcouru le reste du chemin en forêt à bonne allure et sans s'arrêter.

Le paysage nocturne était toujours aussi beau, et seul les bruits de pas légers d'Exodius troublaient le silence agité de la forêt. Après quelques minutes passées à marcher sans rien dire, il s'arrêta, appelant doucement la princesse et la posant délicatement par terre.

- On arrive. Le reste du...

Il bâilla très fort, sa mâchoire prit une circonférence disproportionnée, puis finit sa phrase :

- ...à pied !

Puis il rajouta doucement :

- Je ne suis pas gentil...hihihi !

Exodius réfléchit quelques instants à la question, puis répondit, pince-sans-rire :

- Ce serait inutile. S'il est parti pour les Pays de l'Est, il ne reviendra pas avant longtemps...

Puis il mit la main devant sa bouche : il avait encore laissé échapper un de ses secrets ! Soit la petite avait un don, soit il était...idiot...Tout simplement.

Il rougit et sortit le papier de sa poche le montrant à la fillette. Puis il le remit de suite dans sa poche et dit rapidement :

- Hâtons nous de rentrer ! Même stratégie que tout à l'heure !

Ils filèrent et arrivèrent dans leur chambre sans encombre.