Une chambre pour une demoiselle!

La porte s'ouvrit sur quatre hommes d'armes, dans un vacarme de piétinements de chevaux, de cliquetis d'armure sur la terre battue de la rue du village, de voix viriles d'hommes et de carrioles qui s'ouvrent.

Tous les quatre, l'armure étincelante - comme lustrée du matin - le visage alerte et les yeux vifs, l'épée ceint à la ceinture, détonnaient sérieusement dans le cadre rustique de l'auberge.
D'un œil circonspect, ils examinèrent la salle, une lueur de respect mêlé à un brin de surprise en apercevant le chevalier du Christ, regardant avec dédain le va-nu-pied qui les dévisageaient ensuite, ainsi que les autres clients, tous issus manifestement de la plèbe.
D'une voix sèche, celui qui semblait diriger le petit groupe interpella l'aubergiste.

- "Montre-nous donc ta meilleure chambre. Notre maitresse ne peut pas loger avec les hères de ta clientèle. Si je suis satisfait, tu lui prépareras un bac d'eau chaude. "

Celui-ci blêmit, s'inclina, balbutia quelque chose ressemblant à un "suivez-moi, messeigneurs" et s'empressa d'ouvrir la voie, en montant à l'étage aussi rapidement que lui permettait son ventre bedonnant et le rythme déjà effréné de son cœur.

Quelques instants plus tard, ils étaient redescendus.
La figure de l'aubergiste semblait extatique ; il voyait déjà le prestige de son établissement monter en flèches, et les prix qu'il pourrait monter un peu sans perdre sa clientèle...

Les cavaliers sortirent. La nuit tombait presque, et un vent froid balaya l'auberge lorsqu'ils rouvrirent la porte.
Cette fois-ci, une personne de petite taille les accompagnaient, auquel ces frustes soldats semblaient vouer un immense respect.
Toute de velours noir vêtue, son capuchon relevée sur la tête et le voile de gaze la dissimulaient entièrement aux regards. D'un geste de sa main gantée, auquel pendait un chapelet luxueux, elle retint le capitaine de sa garde voulant l'entrainer à l'étage.
Une petite voix douce et mélodieuse s'éleva alors, un peu faible.

-"Capitaine, je désire manger ici. Madame d'Athalarik nous rejoindras quand elle aura dit au serviteur où poser les malles.
-... êtes-vous bien sur, ma Demoiselle ? Ce n'est vraiment pas fréquentable, et vous devez être fatiguée..

La voix de la jeune fille s'affermit.

- Vous êtes là pour me défendre, Capitaine, j'ai toute confiance en vous. Et j'ai besoin d'un peu d'air. Contempler la vie profane jusque dans ses plus humbles détails est parfois nécessaire pour se rappeler combien notre chance est grande."

Hochant la tête avec soumission, l'homme d'arme conduisait sa protégée vers une table assez isolée quand une autre dame fit irruption dans la pièce, accompagnée elle aussi d'un soldat.
Grande, les traits mûrs, sinon vieux, elle était vêtue d'une cape noir qui recouvrait une robe aussi pudique que son âge paraissait avancé.
Les cheveux gris tirés en arrière dans un chignon serré par une barrette en nacre, elle semblait furieuse.

Cette écervelée se déplaçait seule avec quatre hommes ! Quelle honte! quelle déshonneur ! Si cela se trouvait, déjà des rumeurs circulaient. La réputation de la jeune fille était précieuse ! et la sienne propre en dépendait ! Mais pourquoi lui avait-on ordonné de servir de chaperon à cette enfant insolente... Dieu tout-puissant !

-"Ma Damoiselle de Mannach, vous n'êtes vraiment pas raisonnable ! Manger avec les manants ! Vraiment ! Quelle honte pour votre Père! Venez donc en haut, jeune fille. Nous souperons la-bas."

Celle-ci redressa sa tête, la baissa... garda le silence, et finit par se lever pour suivre le chaperon que son père lui avait imposé, serrant très fort son chapelet contre elle, comme pour la protéger du Diable.

Le capitaine eut un sourire devant l'attitude arrogante du gueux qui osait mentir aussi éhontément.

Mais soudain, au moment de se moquer de lui... il eut comme une hésitation. Si ce jeune homme disait vrai, non seulement il lui en coûterait à lui, mais cela nuirait aussi à sa maitresse. Double raison de reculer, le père de l'ancienne novice fort prompt à dégainer son épée et prononcer une sentence rien de moins qu'expéditive.

D'un autre côté, il allait se faire ridiculiser devant ses hommes s'il s'avérait que ce loqueteux employait la ruse.

-"Si vous êtes bien celui que vous prétendez être, pourquoi ne pas être au château ? On nous a dit que Leur Majestés reviendraient au plus vite. Or, vous voici, et en fort mauvais état. Où sont vos gens ? Où est votre épée ?
Et... "

Le capitaine s'interrompit net devant la présence du chevalier du Christ qui interpella Gareth.
Il pâlit légèrement, puis se reprit, d'une manière toute militaire, claquant des talons sur le sol.
Il prit une seconde pour s'éclaircir la voix.

-"Mes excuses, Sire Gareth d'Orcanie. Mais qui importune la damoiselle de Mannach m'importune aussi. Messire.

Le soldat robuste s'inclina brièvement devant les deux hommes.

-"Mais sans doute ma maitresse serait-elle marri de ne pas rendre hommage elle-même à votre Seigneurie... Aussi, dois-je la faire prévenir de votre présence ?"

... le pire pour son Maitre semblait à venir, et le pire pour lui aussi !
en effet, le "fameux" prince, futur chevalier, semblait accaparé par une conversation avec un officier, un officier d'une garde particulière, aux emblèmes inconnus su jeune écuyer de la garde papale.
Le Prince ne s'était même pas tourné vers eux, l'autre "chevalier" (?) non plus et Raymond sentait les ennuis arriver.
L'accueil passait de déplorable à catastrophique et Raymond cru bon de frapper de sa chausse d'acier le sol en quais hurlant de son encore jeune voix :

- Son excellence Charles de Padoue, Ambassadeur de Sa Sainteté le Pape dans les Iles de Bretagne pour son Altesse le Prince Gareth d'Orcanie...

Son excellence avait les yeux ronds, surpris qu'il faille s'annoncer dans ce bouge pour que l'on vous y accorde quelque importance.... mais il gardait une allure à la fois martiale et digne... un sourire aux lèvres à destination du Prince.
Il pris naturellement l'homme en armure pour le Prince, cela ne pouvait quand même pas être le jeune homme à l'allure un peu dépenaillée... et son sourire alla donc à la mauvaise personne.

Le capitaine de l'escorte se retourna devant l'annonce des titres, sa question toujours en suspens.

Il avait l'air d'un homme que plus rien n'étonne.
Il s'inclina donc profondément, à nouveau, devant l'ambassadeur, un peu étonné qu'un si grand seigneur lui marque autant de respect.

-"Votre Excellence, bonjour. C'est incroyable comme on trouve du grand monde dans cet auberge. Tout d'abord, messire Gareth d'Arcanie, que j'ai malencontreusement pris pour un malandrin... et vous-même ! Aussi de la part du Comte de Mannach, je vous présente mes respects."

Le Comte réalisa sa bévue mais comme personne ne semblait l'avoir remarquée, il restait souriant et cordial... non sans un regard noir sur son écuyer qui sembla perdre 10 centimètres.

Il salua dignement celui qui se disait envoyé par le "comte de Mannach":

- Seigneur, il se trouve que le château de Modred d'Orcanie ne reçoit pas ... il est donc normal que les gens de qualité se retrouvent en cet endroit... tout cela grâce à son Altesse le Prince Gareth, que je me permets de remercier de bien vouloir accueillir un ambassadeur un peu perdu en Orcanie.

L'ambassadeur "un peu perdu" essayait d'être cordial et de ne surtout pas afficher sa colère de se trouver en ce bouge. Le fait que des personnes de qualité se trouvent prises au même piège que lui lui mettait un peu de baume au coeur.

- Je vous prie de bien vouloir partager avec moi, ici, un repas, ou seulement une boisson, j'avoue que le voyage depuis la Cour Arthurienne m'a un peu fatigué mais aussi ouvert l'appétit... si cela vous sied bien sûr !

Il était très cordial, il lui importait de commencer à connaître la noblesse locale, un Prince pouvait avoir son importance même si sa tenue semblait fatiguée et le Chevalier présent en imposait... le Comte de Mannach pouvait être puissant vassal à ne pas négliger.

Le visage du Chevalier devint jovial.

-"Voilà une excellente proposition, même si les lieux restent grandement à désirer - et c'est malheureusement un euphémisme. Pardonnez-moi de m'absenter un instant : Je vais prévenir mes hommes que leur présence est inopportune à vos Seigneuries.
De plus, ma maîtresse, je pense, sera bien aise de vous connaitre sans toute cette soldatesque, qui malheureusement n'ont qu'un sens des convenance limités."

Sur ces mots, le capitaine s'inclina, et faisant face au reste de la salle, cria un ordre.
Aussitôt, les soldats se levèrent - dans un ordre relatif - et firent de leur mieux pour sortir dans le calme.
Arrivés dehors, ordre leur fut donné de ne pas faire de vagues, et d'autres choses perdues dans les bourrasques de ce début de soirée.

Puis le capitaine monta en haut, revenant bientôt, précédé de deux femmes.
L'une, vieille et l'air grincheuse, avait un air hautain et pénétré d'importance, que Sire Gareth pouvait reconnaitre comme le chaperon de la demoiselle ; la deuxième, en revanche, avait l'air plus avenante. Elle portait une coiffure assez compliquée, faites de tresses relevées sur l'arrière, dissimulée par un voile de soie noire. Son visage, découvert, dévoilait sa grande jeunesse, présente dans ses fossettes pâles et la fermeté d'une peau qu'on pouvait deviner douce comme le meilleur velours. Sa mise était royale ; sa robe, faite de velours noire, était boutonnée jusqu'à la naissance du cou, où le tissu s'épanouissait en une fine bande de dentelle de la même couleur, duquel pendait une croix, toute d'or et de corail d'un rose doux, seule fantaisie à son deuil manifeste.
Le tout donnait l'impression une grande pudeur, et d'un maintien que seule une personnalité consciente de son rang pouvait tenir sans faillir.
Très délicate, petite de taille, ses yeux d'un vert lumineux n'en trahissait pas moins une inexpérience notoire, et peut-être - qui pouvait jamais vraiment deviner les pensées d'une jeune fille - un brin de peur...

La damoiselle et sa petite escorte s'arrêta au niveau des deux hommes.

Sans hésitation, elle se mit à genoux devant le jeune Gareth, appliquant un léger baiser sur sa main. Puis une voix fragile, voire fluette s'en échappa, rendu claire cependant par une diction parfaite et un accent légèrement chantant, tout empreint de sérénité :

-"Le Comte de Mannach vous présente ses respects, Prince Gareth d'Orcanie. Il est extrêmement déçu de ne pouvoir venir lui-même vous rendre ses hommages... et de déléguer ainsi cette tâche indigne de la jeune fille ignorante que je suis."

Elle attendit sa réaction, puis se tourna vers l'ambassadeur romain, se relevant dans un bruissement de soie, imitée par son chaperon et son capitaine. La jeune fille lui adressa sa plus belle révérence, lui souriant calmement. Cette fois, elle s'exprima dans un latin irréprochable, bien que légèrement hésitant parfois sur certains accords :

-"Ambassadeur, mon Père et moi-même sommes particulièrement honorés de pouvoir faire la connaissance d'un membre si éminent du Saint Siège. C'est un réel plaisir de voir l'image même de la piété pénétrer la Cour de sa Majesté d'Orcanie. J'ai donc l'heur, si sa Majesté le Prince me le permet, de vous souhaiter la bienvenue sur ces Terres."

Bien que le latin de la damoiselle fut un peu hésitant, un tant soit peu scolaire, l'Ambassadeur était chramé d'entendre la si charamante aristocrate s'exprimer dans sa langue maternelle. En effet si ce dernier parlait diverses langues dont l'affreux patoi de Padoue, c'est en latin que l'on s'exprimait au château de son père comme à la curie où le rôle éminent joué par Comte son père faisait qu'il y avait été en partie élevé.

Il repondit au salut de la petite aristocrate par une simple et martiale flexion du buste, bien que l'envie de baiser la main de la jeune femme le titillait. Et retorqua donc en latin le plus pur :


- Mademoiselle, sachez que je me flatte d'être accueilli en ces lointaines terres du nord par une aussi charmante et lettrée aristocrate. Je ne pouvais rêver plus charmant accueil pour un ambassadeur de la Curie romaine si loin des riantes terres romaines. Entendre parler un aussi joli latin par une aussi charmante jeune femme réchauffe mon coeur d'exilé et vous me permettrez de vous en remercier...

Puis en langage commun aux terres du Nord, par délicatesse et pour n'isoler personne :

- J'en arriverais presque à remercier Mordred d'être absent de son château... sans cette absence, don du ciel s'il en est, j'aurais du attendre pour faire la connaissance de son frêre et de la si charmante damoiselle de Mannach. Que le Seigneur sen soit remercié. Ajouta-t-il fort chrétiennement. Si vous y consentez et n'y voyez aucune offense, je me permets de vous inviter, Mademoiselle, comme vous Madame , -dit-il se tournant vers le chaperon- à vous joindre à nosu pour partager une collation. Entendre votre latin pendant ce maigre repas sera agréable à mes oreilles ...

IL se montrait plus que galant, mais tenait aussi à se montrer à la duègne de la demoiselle qu'il était jeune homme de bonne éducation.

La jeune fille rougit extrêmement fort aux galanteries de l'ambassadeur. Baissant les yeux avec pudeur et innocence, elle répondit d'une voix qui se voulait assurée :

-"Ce sera avec plaisir, messire ambassadeur."

La duègne et sa protégée s'assirent devant les deux hommes, le capitaine s'étant posé en faction quelques pas plus loin.

Le repas débuta alors, tandis que la jeune fille tentait de faire la conversation aux deux hommes à la fois, glissant parfois des références en latin en parlant au noble romain.
D'où venaient-ils précisément ? Leur voyage avait-il été long ? N'y a t-il pas trop de dangers, à voyager seuls, ou presque ?

Le prince semblait fatigué... Il ne voulait plus croiser son regard. Etait-il vexé de son attitude, qui avait été irrévérencieuse ? Où avait-elle commis un impair ? Son père serait furieux... elle ne tenait pas son rôle dignement! Et pourtant, elle avait lu ce livre de protocole en entier. Il faudrait qu'elle le refasse dès ce soir...

Absorbée dans sa prière, l'ancienne novice ne remarqua pas le regard rusé qui s'était allumé dans le regard de son chaperon.
Car si la trop pure enfant ne pouvait soupçonner décemment pareille attitude de la part des deux gentilhommes assis devant elle, la duègne, en avait, elle, une fort longue expérience. Et elle adorait les compliments.

Aussi, ce fut sans rougir qu'elle mentit sans vergogne.

-"Je rend Grâce au Seigneur d'avoir pu éduquer si longtemps une âme aussi droite et pure... ce qui n'a d'ailleurs pas de mérite, monseigneur : car c'est Dieu lui-même qui a mis ces belles qualités dans son âme. Nous ne faisons que les cultiver pour qu'elles s'épanouissent...
Mais le Saint-Siège, et donc vous-même, devez avoir un avis éclairé sur la question.

La vieille femme poussa discrètement du pied sa jeune maîtresse, la faisant rougir.
Celle-ci prit alors la parole, regardant les deux hommes, comme pour recueillir leurs deux avis.

-"Selon vous, quel serait la part d'inné, et la part d'éducation d'une sainte âme chrétienne ?"

Elle était naïvement émerveillée de la prestance de l'ambassadeur. Dire qu'elle avait pu être effrayée par le hurlement des loups, la nuit ! et par la sinistre pensée d'une bande de voleurs les décimant tous...
Et il venait du Saint-Siège... quel prestige, pour la petite couventine qu'elle avait toujours été, depuis ses 6 ans révolus !

Le Seigneur en était témoin ! Le pêché s'installait dans son âme aussi vite que les démons qui habitaient son corps faisaient couler son sang, pour la punir de son essence diabolique... son état de femme.

Pouvait-on espérer une conversation autre que celle qu'il entreprendrait sous peu, axé sur la religion et sur les diverses croyances de celle-ci, en compagnie d'une jeune pucelle et d'un saint homme?

Gareth goûta le premier son plat de ragoût, garnis de généreux morceaux de viandes, et ne fus pas déçu du goût qu'avait celui-ci... Une légère touche de vin, quelques légumes (telles des pommes de terre et des carrottes), de la viande fraîche de... cheval?!

L'écuyer lança à nouveau un regard rapide en direction de la porte... mais en vain! L'étrange créature corseté qu'il avait rencontré ne viendrait peut-être pas...

- Chaque enfant naît innocent. , se risqua t'il après une deuxième bouchée. C'est en entrant en contact avec l'homme et sa société qu'il se fane, telle une fleur. Prenons par exemple cette famille de paysans que j'ai rencontrés l'hiver dernier et qui avait quelques problèmes avec les saxons descendus des montagnes...
Je n'avais jamais vu d'enfants aussi beaux et bons, malgré leur classe social. Pour les épargner, nous les avons envoyé à la Cour de Camelot... comme bien d'autres familles, en souhaitant repousser l'ennemis sans occasionner de morts innocentes parmis le peuple que nous protégeons. Lorsqu'enfin la neige à fondu, le beau temps étant de retour, les hommes du Haut-Roy de Bretagnes ont trouvés une énergie nouvelle! Et jamais bataille auquelle j'ai pu assister ne fut plus magnifique! Plus grandiose! Elle ne fut aucunement sanglante, du moins, pas dans nos rangs!

Un large sourire d'admiration se peignit sur son visage, en revoyant la scène se dérouler sous son regard absent... Sire Lancelot, avec son épée brandit, repoussant à la fois deux de ses saxons sans lois ni morales! Sire Gauvain, son frère aîné, ayant perdu sa monture... et combattant avec la force de dix hommes! Et Sire Lionel! Des demi-dieux, dignes de tous ces Hercules et Archilles d'autrefois!

- Bref, pour revenir à notre sujet... Après notre retour à Camelot, j'ai pu constater combien ces enfants, purs et innocents, élevés en reclus du monde, avaient étés blessés de trouver nos gens...
Les ragots qu'ils avaient ouï à Camelot... chez eux, cela n'existait pas.
Les vols, les batailles... cela non plus, ils ne l'avaient jamais vu. Certes, il leur manquait parfois des biens utiles à leurs survies... Mais jamais l'idée ne leur avait traversé l'esprit de faire du mal à autrui pour quelques gains! Au contraire, ils séparaient le pain et le partageaient entre eux, plutôt que de laisser le plus faible d'entre eux mourrir de faim... Ils ne connaissaient pas non plus le mensonge, ni même la violence ou la manipulation!
Ils agissaient comme des hommes et non point comme des bêtes! Et je crois que nous devrions tous prendre exemple sur eux...
En outre, ils étaient tous chrétiens... mais l'Église la plus près se trouvait à deux jours de voyagement de leur demeure. Ils assistaient donc à la messe pour toutes les fêtes importantes... et priait tous les jours.
Oui, je crois que nous naissons tous avec toutes les vertues et sans vilainie. Tout s'apprend avec le monde et s'acquiert avec le contact des hommes mauvais.
Si la comtesse de Mannach, ici présente, a pu en être préservé... Que Dieu lui rende grâce et ne la souille point des brouilles qui s'imposeront sur sa route...

Gareth se risqua à scruter sur la belle voilée, lui sourit timidement, en plantant son étrange regard dans le sien. Deux yeux, d'un bleu extrèmement pâle... mais oh combien intense ! L'iris se colorait de quelques paillettes vertes ou grises et la pupille d'un noir de jais était entouré d'un soleil, ou d'une fleur, couleur de rouille...
Il semblait chercher quelque chose, au fond de ces deux prunelles d'un vert de mer...
Au bout d'un moment, le souffle lui manqua. Il ne pouvait supporter l'intensité de ce contact...

Sa main tremblante se saisit de son verre. Il prit une lonhue gorgée de ce vin de moindre qualité que lui avait servit l'aubergiste...